"La peinture métallique rouge sang de la station K était une lointaine traînée sur la glace, qui allait en s'amenuisant. Les corps qui respiraient à l'intérieur faisaient des vitres un faible brouillard jaune".
Luke, Thomas et Robert occupent tous les trois la station K en Antarctique. Lors d'une sortie entamée sous un soleil rayonnant, ils sont surpris par une tempête de neige qui sépare le groupe.
"Au loin, le silence était presque visible. A l'arrière de la motoneige, le bruit était accablant".
Malgré la ténacité de chacun, rien ne se passe comme prévu. Alors Robert, chef du groupe, décide de partir à la recherche de son compagnon, sans tenir compte des signes alarmants de son état de santé. Il s'effondre.
Quand il se réveille en Amérique du Sud, son épouse Anna est à son chevet. Son esprit semble fonctionner normalement mais il est frappé d'aphasie, incapable de parler normalement, de se faire comprendre. Une autre vie vient de commencer pour ce couple qui finalement n'a jamais été habitué à vivre ensemble.
"Elle avait acheté la maison toute seule, pendant que Robert n'était pas là. Cela n'avait pas été une décision irréfléchie, mais elle l'avait prise rapidement et il ne lui était pas venue à l'idée de lui demander son avis. Elle avait toujours tiré fierté de pouvoir faire des choses toute seule pendant son absence. Cela faisait partie de leur accord. Nous allons être une anomalie. Mon mari n'est pas là".
Deux luttes surviennent : celle de recouvrer la parole pour enfin expliquer ce qui s'est passé à la station K et une autre, plus intime, pour Anna, en acceptant son nouveau statut d'accompagnante, elle la brillante universitaire.
"Accompagnants. C'était une nouveauté pour Anna. On disait habituellement aidants ou, à l'occasion, partenaires. Accompagnant était plus neutre, peut-être".
Rassurer les deux enfants adultes, aider Robert au quotidien, prouver que la mort d'un des scientifiques en Antarctique n'est pas la conséquence de mauvaises décisions de son mari, deviennent son pain quotidien. Au fil du roman, les phrases deviennent plus courtes, le style plus épuré, pour mieux signifier la fatigue d'Anna. Robert s'efface peu à peu et Anna prend le dessus, devient une héroïne du quotidien, tout ce qu'elle ne voulait jamais devenir.
Le Mot pour dire rouge est un roman sur la résilience et sur la capacité des personnes à réinventer leur vie.
"Il [Robert] ne savait même plus le mot pour dire rouge, mais il savait que ceci était l'infime et lointain commencement de quelque chose de neuf"."L'avion rouge petit venir plus gros maintenant"
Au début, le lecteur pense qu'il va lire un roman d'aventures avec une dose de tragédie mais très vite le récit bifurque à cent quatre-vingt degrés pour se transformer en une aventure intimiste, ponctuée d'écueils et de petites victoires qui donnent la force aux personnages d'avancer.
Ed. Christian Bourgois, mars 2023, traduit de l'anglais (GB) par Christine Laferrière, 352 pages, 22€
Titre original : Lean Fall Stand