mardi 30 mai 2023

REGARDS CROISES (46) Boire, manger, réfléchir

REGARDS CROISES

Un roman, deux lectures - avec Christine Bini

C'est le 46ème Regards Croisés, une lecture partagée avec mon amie Christine Bini. Nous décidons ensemble du roman ainsi que de la date de la mise en ligne de nos articles, mais nous n'échangeons pas sur notre lecture afin de ne pas nous influencer.

Par un habile tour de passe  passe, le commissaire Adamsberg se voit confier l'enquête sur les meurtres de Louviec, hameau de huit cents habitants, confronté depuis quelque temps aux méfaits d'un tueur nocturne.

"Cela arrive partout. A Louviec comme ailleurs. Je ne vois rien de remarquable à Louviec".

Adamsberg a ramené son équipe avec lui, sauf le commandant Danglard, censé "garder la boutique" en son absence. Il manquera cruellement à l'intrigue. Ainsi on retrouve Violette Retancourt, force de la nature qui va jouer à plusieurs reprises un rôle déterminant. Avec eux, le commissaire Matthieu de Rennes et ses hommes.

A Louviec, on croise quelques énergumènes : le vrai sosie de Chateaubriand, un lointain cousin, Josselin-Arnaud de Chateaubriand, qui ne supporte pas qu'on lui parle de sa ressemblance mais qui accepte de jouer le rôle devant les touristes ; Maël, dit le Bossu depuis son enfance, qui se plaît à taper avec sa béquille dès qu'il fait nuit pour faire croire aux fantômes, ou encore Johan, l'aubergiste, en quête d'un oiseau fantasmé et capable de nourrir un régiment entier en moins de deux heures.

Manger, boire, dormir, réfléchir....

Manger : il y en a des pages où les enquêteurs sont à table, en train de faire le point, d'émettre des hypothèses ou de mettre en place des plans d'action, tout cela sous l'œil protecteur de Johan dont les cuisines ne semblent jamais être à court pour préparer un repas complet.

Boire : le chouchen est roi, même pour les unités de garde sensées protéger Adamsberg de ses ennemis. Il est la potion pendant un brainstorming...

Réfléchir : Adamsberg se réfugie sur la dalle du Dolmen du village dont, dit-il, il ressent les vibrations d'un passé vieux de trois mille ans. Il est le lieu idéal pour mettre en place "ses idées vagues".

"Il s'agissait d'une nuée de points, ni logique, ni cohérente, et non pas de points gentiment rangés en ligne. Les éléments étaient dispersés, insaisissables parfois, ou incompréhensibles". 

Au fil du roman, l'affaire se corse avec un groupe de vieux délinquants chevronnés prêt à tout pour mettre les flics hors d'état de nuire. A cela, on y ajoute une obscure affaire de superstition et de fantômes, et on obtient une enquête aux nombreuses ramifications, mais comme le souligne Retancourt, il faut "suivre la diagonale" pour trouver le meurtrier de Louviec

"La Bretagne, ce pays de rébellions éternelles et des répressions impossibles" (Alexandre Dumas, Chroniques de la Régence, 1849)

rappelle Danglard à Adamsberg par SMS. Finalement, rien n'a beaucoup changé et il faut ruser pour trouver une vérité dont le mobile sera pour le moins très original.

Sur la dalle est le dixième roman de la série Adamsberg. Cette fois-ci c'est plutôt Retancourt qui est mise à l'honneur, devenant un véritable pilier au sein de l'équipe lors des actions sur le terrain.

"Retancourt ne tentait pas même de parler. Elle émettait ce même grondement guttural tel un lion se préparant à l'attaque".

La Bretagne ça vous gagne comme le rappelle un slogan connu. Sur la dalle est un bon roman dont quelques pistes auraient mérité un plus grand développement. Parfois, j'ai eu une petite impression de fouillis, comme si l'auteure voulait retranscrire l'état des pensées d'Adamsberg. Comme d'habitude, il incarne le squelette de la narration. C'est l'anti-héros par excellence, obnubilé à trouver le coupable.

Enfin, pour avoir lu toute la série, ce dixième opus ne fera pas partie de mon top 3 même s'il reste un roman de qualité.

L'article de Christine Bini ICI


Ed. Flammarion, mai 2023, 512 pages, 23€