vendredi 3 février 2023

Grosse fille, petite ville


Magella est une anti héroïne contemporaine et c'est pour cela qu'on l'aime dès le début du roman !
Sous ses airs blasés, c'est une grosse (au sens propre comme au sens figuré)  stressée qui se calme en claquant ses doigts dans ses poches ou en se balançant d'avant en arrière. Depuis la disparition inquiétante de son père qu'elle vénérait, elle n'a plus guère de référence familiale. 
" Des fois, elle se demandait s'il savait où était passé son père. Si ça se trouve, toute la ville le savait sauf elle et sa mère. C'était souvent ainsi".
Magella vit avec sa mère, véritable loque qui noie son chagrin (enfin elle-même ne sait plus)  dans le whisky. Alors la jeune fille construit sa vie autour de son travail au Salé!Pané!Frit!, fish and chips incontournable de Aghybogey en Irlande du Nord. Dans cette petite ville, Magella connaît tout le monde et tous connaissent la famille de Magella... Pas facile de faire un pas sans être reconnue, surtout depuis que la grand-mère paternelle a été lâchement assassinée dans sa caravane...
Les relations humaines ne sont pas le fort de notre anti héroïne. Mieux vaut rester seule que mal accompagnée et mieux vaut une petite partie de jambes en l'air avec Marty de temps en temps dans la réserve du restaurant qu'une relation bien établie. 
"C'étaient les autres qui disaient de la merde. C'étaient les autres qui inventaient les règles selon lesquelles on était cool ou pas en fonction des vêtements qu'on portait. C'étaient les autres qui jugeaient une moitié de l'humanité parce qu'elle se maquillait et l'autre parce qu'elle ne se maquillait pas (...) A bien y réfléchir, en fait, Majella n'aimait pas trop les autres".
Finalement, le must, c'est d'être enfermée dans sa chambre à s'empiffrer d'une portion de frites bien salée et vinaigrée, sous la nouvelle couette en regardant des épisodes de Dallas.

Or Magella le sait bien, elle se protège derrière sa routine. L'inconnu lui fait peur et à cause de cela il lui semble impossible de quitter Aghybogey un jour. Et puis, même si elle ne partage plus grand chose avec sa mère, elle se voit mal l'abandonner. Bref, l'avenir est plutôt assez réduit quand on y pense. 
Comme la Mémé est décédée, le notaire rassemble la famille et là, grosse surprise, Magella hérite. Seulement, seule et incapable de prendre conseil auprès d'un tiers, cet héritage devient vite pour elle une charge, pourtant il pourrait lui permettre de prendre son envol...

Traduit par Carine Chichereau, Ce que Magella n'aimait pas est un premier roman qui rassemble de nombreuse thématiques autour d'une jeune femme qui se veut invisible malgré sa corpulence. Le roman montre aussi à quel point on peut étouffer dans une ville où on a grandi et dans laquelle clairement on n'au aucune perspective d'avenir. Magella est un personnage très attachant. Les dialogues souvent argotiques sont drôles et traduisent le quotidien de la jeune femme.
On est hypnotisé par l'inventivité de Michelle Gallen qui a écrit un roman inventif et vraisemblable, bien plus profond qu'il n'y paraît.
A découvrir !
 

Ed. Joelle Losfeld, traduit de l'anglais (Irlande) par Carine Chichereau, janvier 2023, 354 pages, 24€

Titre original :Big Girl, Small Town