vendredi 20 janvier 2023

PANDEMIE

Ce roman, paru aux Etats-Unis en 2006, arrive seulement en France cette année et son titre, traduction mot pour mot du titre anglais, pourrait nous faire croire à un roman post apocalyptique ou dystopique. Heureusement la quatrième de couverture nous en dit plus et situe l'action sur le territoire nord américain, dans l'état de Washington, en 1918, en pleine pandémie de grippe espagnole. 
Le lecteur anxieux fera vite un parallèle avec celle de la Covid 19. Stop, rien à voir...

Alors que l'état américain est entré en guerre sur le continent européen et envoie régulièrement des soldats sur le front, son peuple fait face à une épidémie de grippe espagnole virulente et mortelle. Tout le monde est touché, et personne ne sait vraiment comment s'en préserver, sauf peut-être les médecins qui s'approchent des malades en portant des masques à gaz de fortune.
"Commonwealth n'était pas une ville ordinaire et cela expliquait en partie qu'elle ne soit pas mentionnée sur les cartes, comme si le reste du monde civilisé préférait oublier son existence. Elle n'avait ni maire, ni receveur des postes, ni shérif". 
Près de Seattle, une ville de bûcherons, Commonwealth, fondée par le propriétaire de la scierie, a décidé d'établir une quarantaine afin que la maladie ne rentre pas chez les habitants. C'est clairement une question de vie ou de mort car la ville voisine est gravement touchée et il ne faut pas que la scierie arrête ses activités surtout en temps d'effort de guerre. Grâce aux réserves à l'épicerie, le village peut tenir deux mois pleins en autarcie, et pour éviter les entrées et sorties de leur territoire, les hommes du village montent la garde nuit et jour.
Parmi eux, Philip Worthy, le fils adoptif du propriétaire de la scierie. A dix-sept ans, il est loin d'être un va-t'en guerre. Estropié suite à un accident de voiture, il s'est porté volontaire pour les gardes afin de bien montrer aux autres qu'il est quand même un homme utile à la communauté. Ce n'est pas un violent, alors quand un soldat déserteur se présente à l'entrée de Commonwealth pour trouver refuge, il n'arrive pas à le tuer et tente de le cacher dans une cabane plus loin. 
"Lui et le soldat n'étaient, en cet instant, pas très éloignés l'un de l'autre, mais d'une manière inexplicable cela semblait ne plus avoir d'importance. Ils se retrouvaient désormais dans le même sac. Lui aussi était devenu quelqu'un de l'extérieur en qui personne ne pouvait avoir confiance".
Seulement, son petit secret est découvert et Philipe se retrouve contre son gré en quarantaine avec le soldat...
"Tant de choses avaient changé depuis la quarantaine. Au coin des rues, les gens étaient peu loquaces, sur le pas des portes, les conversations vite interrompues, de brefs signes de tête remplaçaient des poignées de main".
Comme dans tout confinement, les personnalités se révèlent. Les caractères s'exacerbent, les leaders se montrent et le moral vacille. Thomas Mullen décortique le fonctionnement de cette communauté en proie au doute, au manque d'information de l'extérieur, à la volonté de garder ses conscrits pour qu'ils ne partent pas au combat, et à la violence de l'élite de la ville voisine qui voit dans les décisions prises à Commonwealth une volonté manifeste de se préserver de tout y compris de son devoir de citoyen. Se mettre en quarantaine était-il la bonne décision finalement ?

La Dernière ville sur Terre est un roman bien écrit, aux personnages ciselés et au suspens maintenu. Les conflits intérieurs animent ceux qui font le récit et le font avancer, laissant peu de pause et de digressions le long des 550 pages. Ainsi, le postulat selon lequel ce "sont les choses invisibles qui sont les plus dangereuses dans le monde" prend toute son importance.


Éd. Rivages/Noir, janvier 2023, traduit de l'anglais (USA) par Pierre Bondil, 560 pages, 24€

Titre : The Last Town On Earth