Il était une fois des jumeaux qui prenaient feu à la moindre contrariété... Ce roman aurait pu être un conte de fées, mais il n'en a pas les codes. Pourtant, les faits sont là ; deux charmants jumeaux, Bessie et Roland, ont la fâcheuse habitude de se mettre en flamme dès qu'ils ne maîtrisent plus la situation. Cet événement exceptionnel n'a aucune incidence sur eux, mais interpellent ceux qui en sont témoins, notamment leur père, sénateur en lice pour un mandat de secrétaire d'état. Comme leur mère vient de mourir, il doit en récupérer la garde. Comment faire pour les garder à l'écart ?
"Si Madison avait un boulot pour moi, il fallait l'accepter. J'aller quitter le grenier de ma mère et faire un grand ménage dans ma vie. J'étais assez lucide pour me rendre compte que je n'avais pas grand-chose à perdre".
"Fluctuer entre euphorie et désarroi était sans doute consubstantiel à l'éducation d'enfants. Etre mère, m'avait dit un jour la mienne, c'était un regret qui va, qui vient. Mais je serais pas ma mère".
"Quand le phénomène dans son ensemble relève d'une telle absurdité, seuls les miracles mineurs sont assimilables".
La confiance amène le partage, et le partage l'amour. Bessie et Roland apprennent à se contenir ; leur père accepte même de les accueillir dans la grande maison avec leur demi frère. En effet, il est important de montrer aux médias combien le futur secrétaire d'état a une famille unie et épanouie. Hélas, en plein direct, le petit dernier se met lui aussi à s'enflammer...
Les enfants sont calmes est écrit à la première personne. L'auteur donne la parole à Lillian, jeune femme autrefois promise à un bel avenir universitaire mais qui a payé le fait de ne pas appartenir à la bonne caste sociale. S'occuper des beaux enfants de Madison lui permet de lutter contre le déterminisme social. Elle ne sera pas comme sa mère...
Roland et Bessie symbolisent l'opportunité qui aidera Lillian à sortir "du bourbier de sa vie". Dès lors deux mondes s'affrontent : celui du paraitre où des parents sont capables de sacrifier leurs enfants au profit de la carrière, et celui de la vraie vie, faite de compromissions, de regrets et de petites réussites quotidiennes, piliers fondamentaux pour instaurer une relation de confiance. Peu à peu Lillian met au jour des ressources insoupçonnables ; elle qui s'interdisait d'être mère un jour ayant trop peur de ressembler à la sienne, le devient avec le temps et les jumeaux le lui rendent bien.
La métaphore du feu donne au récit un tour original et grinçant. Elle symbolise le rejet. Plus les enfants sont rejetés par ceux sensés prendre soin d'eux, plus ils s'enflamment. Et c'est l'affection qui devient l'eau salvatrice.
Les enfants sont calmes en dit long sur la société américaine, ses travers et ses inégalités. Kevin Wilson a utilisé le fantastique pour raconter tout cela et c'est réussi, bravo !
Ed. Robert Laffont, septembre 2022, traduit de l'anglais (USA) par Christine Barbaste, 324 pages, 21€
Titre original : Nothing to see here