mardi 15 novembre 2022

Vive la vie !

Shizuku a trente-trois ans et elle va mourir. Son cancer est en phase terminale et les thérapies n'ont rien donné. Alors, elle a réussi à obtenir une place à la Maison du Lion sur l'île des citrons où, promet-on, on vous garantit une fin de vie calme et sereine.

"La Maison du Lion était parsemée d'encouragements. De petits espoirs s'y cachaient un peu partout".

Shizuku est accueillie par Tahichi le vigneron avec qui elle va se lier d'amitié, mais aussi par la directrice de l'établissement, Madonna, le pilier pour tous les résidents, celle qui apporte le sourire même dans les moments les plus douloureux et fait de la mort une étape de plus à franchir dans le long parcours de la vie.

"La vie et la mort sont les deux faces d'une même pièce (...) La seule différence c'est le côté depuis lequel on ouvre la porte".
La Maison du Lion n'est pas un mouroir, c'est une Maison de Vie où celles et ceux qui y habitent sont de lions combattants. On y mange chaque matin les okayu et chaque dimanche le goûter préféré d'un résident, tiré au sort. Si on a mal, le verre de vin est mélangé à de la morphine. Mais c'est surtout Rokka, la petite chienne de la résidence qui permet à Shizuku d'accepter l'inéluctable. Elle réalise enfin son rêve d'enfant, avoir un chien. Depuis qu'elle est arrivée sur l'île aux Citrons, Shizuku a changé. Elle est sereine et comprend qu'elle a connu le bonheur dans les petites choses de la vie, celles qu'on ne voit pas car trop accaparée jadis par son quotidien.
"Puis j'ai été frappée par la pensée que le bonheur c'est d'avoir la certitude qu'il allait toujours y avoir un lendemain".

La sérénité passe par le fait qu'elle a accepté qu'elle allait mourir bientôt tout en s'accrochant à la vie.

"Je ne pouvais ni hâter cet instant, ni le retarder. Tout ce que je pouvais faire, c'était d'attendre qu'il arrive".

"Car accepter la mort, c'est aussi se montrer honnête avec soi-même, et admettre que l'on n'avait pas envie de mourir faisait partie du processus. Pour moi, du moins".

Dès les premières pages on devine la fin du roman néanmoins on s'y accroche comme Shizuku s'accroche à la vie tant l'écriture est délicate et positive. Le Goûter du lion est un roman sur la vie, non sur la mort (d'ailleurs ce mot est rarement employé) au point qu'on a envie de finir nos jours sur l'île aux citrons.

Ito Ogawa raconte avec justesse nos rapport avec la famille et ceux qui accompagnent les mourants (je déteste ce mot). Chaque page transpire des mots dignité et sérénité. Paradoxalement ce roman m'a fait énormément de bien malgré le sujet qu'il porte et gardera une place à part dans ma bibliothèque. Pour conclure, voici la métaphore de Madonna sur la vie.

"La vie est semblable à une bougie. Elle ne peut allumer ou souffler sa flamme elle-même. Et une fois la flamme allumée, il n'y a rien d'autre à faire qu'attendre qu'elle se consume et disparaisse, en laissant la nature suivre son cours. Mais il arrive parfois qu'elle s'éteigne, soufflée par une force supérieure".


Ed. Picquier, août 2022, traduit du japonais par Déborah Pierret-Watanabe, 272 pages, 19€ 

Titre original: Lion no oyatsu