L'Homme peuplé, c'est d'abord une atmosphère nimbée de mystères. Le soleil transperce rarement, les flocons tombent sans bruit et quand il ne neige pas, le brouillard redessine les contours des fermes isolées. C'est justement dans l'une de celles-ci que Harry, écrivain, compte bien retrouver l'inspiration. L'isolement semble être la solution, d'ailleurs, il se promet de ne rejoindre le village que s'il a besoin de vivres.
Harry a bien compris que quelqu'un rentrait chez lui ; peu à peu, il réussit même à apprivoiser le chien de Caleb. A son tour, il tente d'espionner son curieux voisin, en vain. Tout semble toujours fermé, et le chien lui interdit d'approcher davantage... Pourtant, il faut bien qu'il comprenne pourquoi cette ferme et ses occupants sont un sujet tabou au village. "Celui ou ceux qui vivent là-bas n'ont pas envie qu'on les dérange", lui explique-t-on invariablement. Seulement, il sent qu'il tient son sujet pour écrire son nouveau roman, il a besoin de fouiller, de creuser le mystère de cette ferme.
Peu à peu, le brouillard se dissipe, le roman choral bascule, les personnages se révèlent. La vérité va passer par Sofia, la gérante de l'unique commerce, et son secret qu'elle garde caché à l'étage de son commerce. Le "temps abandonné aux portes d'un passé refoulé" prend toute sa dimension et le lecteur attentif aura toutes les réponses à se questions que le récit impose.
L'Homme peuplé dévoile une "invraisemblable vérité" à travers le destin d'un homme seul, Caleb, persuadé que la malédiction est en lui car il a osé aimer une femme.
"Caleb avait franchi la frontière entre la fille désirée et la femme possédée et la malédiction pesait maintenant sur lui".
Franck Bouysse propose au lecteur la possibilité d'une continuité, d'une autre vie dans laquelle la victime devient le gardien, et le paria devient le maître. L'intrigue est bien construite, minutieuse, faite aussi d'esquives et d'ellipses pour maintenir le suspens jusqu'au bout. Enfin, l'épilogue permet de donner au titre du roman toute sa mesure et accorde une lueur d'espoir aux protagonistes.
Ed. Albin Michel, août 2022, 320 pages, 21.9€