vendredi 3 juin 2022

Parenthèse

No-no-yuri est le troisième volet du cycle commencé avec Suzuran et poursuivi avec Semi

Après avoir raconté dans un premier tome les amours de Anzu, jeune céramiste reconnue, puis, dans un second tome, de la vieillesse de ses parents, l'autrice s'intéresse, dans No-no-yuri, à Kyôko, la grande sœur de Anzu.

Kyôko est l'antithèse de sa petite sœur. Dès qu'elle a pu, elle a fui sa ville natale pour la capitale afin d'y mener une vie de célibat assumé. Secrétaire de direction respectée et reconnue dans une grosse entreprise américaine de cosmétiques, elle profite de son poste pour voyager, rencontrer ses amants et mettre de la distance avec les siens. D'ailleurs, avec une pointe de snobisme, elle les considère maintenant que de simples provinciaux qui n'ont pas su partir pour avoir une meilleure vie.

Kyôko est une femme libre qui refuse de perdre son temps dans une relation amoureuse inscrite dans la durée. peut-être est-ce dû au fait qu'elle n'a pas encore eu de coup de foudre pour quiconque. D'ailleurs, sa beauté naturelle, même si elle attire les hommes, fait peur. Elle en joue et ne conçoit pas non plus de ne pas être admirée lorsqu'elle sort. Pour Kyôko, c'est naturel qu'un homme soit charmé par sa beauté.

"Mon amant portait aux nues la beauté de mon visage, ainsi que l'élégance de ma tenue".

Pour saluer le départ à la retraite de son patron, Kyokô offre à son épouse une céramique ikebana de sa sœur Anzu, signée  "Lily of the field" (No-no-yuri en japonais) faisant référence  à un passage de l'Evangile de Matthieu prônant la simplicité. Car Anzu est une femme simple, aux antipodes de Kyokô .

Ce départ sonne le glas d'une vie bien réglée. La jeune femme a du mal à appréhender ce que son nouveau directeur, monsieur Green, va lui confier comme responsabilités. Plus jeune, il est très attaché à l'image de la marque, prêt à dépenser des sommes folles en publicité pour rester leader et à utiliser ses collaboratrices pour appâter de nouveaux clients. Comme d'autres hommes avant lui, il succombe au charme de sa secrétaire mais cette dernière n'y trouve pas son compte. 

"Les visages de mes amants défilent dans ma tête. Les hommes que j'ai choisis pour vivre une aventure comme monsieur Green. Je n'ai aucune nostalgie pour eux, mais seulement un sentiment de vide. Est-ce parce que je n'ai jamais été amoureuse de personne ? Non, au fond de mon cœur, j'ai toujours eu peur d'être trompée".

Pour l'oublier, elle accepte l'invitation d'une amie à se rendre à un dîner de célibataires. Ce rendez-vous va changer sa vie...

"L'amour est une maladie et nous resterons malades ensemble". Maintenant, Kyokô, depuis sa rencontre avec Yûji, comprend mieux l'histoire d'amour entre son ancien directeur et son épouse.

No-no-yuri peut se lire indépendamment des deux autres volumes mais certains détails de narration permettent de mieux comprendre les relations entre l'héroïne et sa famille. De plus, pour ceux qui ont lu Suzuran, ce nouveau roman prend une tout autre dimension et apporte de la chaleur au personnage de la grande sœur.

Comme à son habitude, Aki Shumazacki use sans abuser d'une prose délicate et sensible mettant ainsi une certaine distance entre le lecteur et les personnages, comme si ces derniers étaient nimbés d'un voile de mystère. No-no-yuri est une parenthèse littéraire enchantée et bienveillante.

Ed. Actes Sud, mai 2022, 176 pages, 16.50€