mardi 26 avril 2022

La faute à la vodka

 

"La faute à la vodka, tout ça. Au-delà du sixième verre s'ouvrait une contrée trouble, pleine de cris et de tumulte, qui ne laissait aucun souvenir au buveur mais prélevait parfois une vie humaine".

Parce qu'il a triché aux échecs, Nikolaï est tué par son collègue Vadim. Comme chaque soir, ce dernier était dans un état second, soûlé à la vodka pour supporter l'isolement de l'Antarctique. En effet, lui et ses comparses sont depuis quelques mois stationnés sur la base russe de Daleko, chargés par le Parti d'affirmer la présence nationale et poursuivre quelques recherches scientifiques. 

"La station de recherche scientifique Daleko ne figurait sur aucune carte, publique ou secrète, du continent antarctique".

Or, cela fait quelques semaines que tous se contentent d'attendre que le temps passe, décomptant les jours qui les ramèneront à la  civilisation.

"L'Antarctique n'affichait qu'une morne variation de blanc et de bleu pâle. A perte de vue".

Désormais Vadim est un meurtrier et il faut s'en protéger car il n'a pas l'air en plus d'éprouver du remords. Igor, le chef, décide le placer dans la réserve de nourriture qui servira en attendant de cellule. Il y fait un froid glacial et les chances de survie sont réduites. Ce nouveau confinement ressemble à un châtiment pour Vadim qui juge que décidément la nouvelle année commence mal. Il a tué un homme mais il n'en éprouve qu'une légère contrariété. En pillant dans les réserves, il survit et trouve même le moyen de fuir la base.

"Prisonniers du baraquement qu'ils ne pouvaient quitter sous peine de mort, les colons sentaient vaciller leur santé mentale".

Les Poliarniks sentent qu'il est urgent de joindre la station de Mirny. Pour eux, cela devient une question de vie ou de mort. Leur désœuvrement et la vodka ont eu raison de leur santé mentale. Comment faire pour fuir ce qui pourra être bientôt leur tombeau, oubliés de tous ?


Antarctique est un huis clos  parfois teinté d'humour noir et de réalisme glaçant. Olivier Bleys décortique les points de vue des protagonistes  comme s'il pesait le pour et le contre d'une chance de survie pour chacun d'entre eux. Le personnage central, Vadim, meurtrier sous l'emprise de l'alcool, montre à quel point l'isolement peuvt être des facteurs aliénants..

Le dernier tiers bascule dans le roman d'aventures, situant l'action dans le désert glacial de l'Antarctique à bord d'un véhicule improbable.

Olivier Bleys dénonce à quel point la vie humaine ne pèse pas lourd face à l'image du Parti dans la Russie de 1961.


Ed. Gallimard, collection La Blanche, février 2022, 192 pages, 17€