jeudi 28 avril 2022

Derrière la porte


Dans ces quatre nouvelles essentiellement centrées sur le personnage féminin, l'homme est une source de malheurs. Parfois il apparaît "bien sous tous rapports" mais une fois qu'on gratte le vernis, il devient un prédateur ou un pervers narcissique.

Clare, Mia, Alyce ou Elizabeth sont des victimes. Elles ont construit leur vie sur les décombres d'un passé qu'elles ne maîtrisent pas ou écrivent leur histoire en découvrant la part caché de celui qui partage leur vie.

"Toutes les choses commencent dans l'innocence.

C'est-à-dire - l'ignorance". (Comme un fantôme)


 Elles découvrent la violence et la peur d'affronter une réalité aux contours de plus en plus distincts. Pour se protéger, la jeune Mia compte sur le chat sauvage qu'elle a adopté, Alyce devient proche de Roland, un éminent professeur, Clare se veut être "à la fois elle-même et une observatrice perplexe" tandis qu'Elizabeth se réfugie dans les écrits de la première épouse suicidée de son mari.

"Vous venez juste de faire un accroc dans la trame de ma vie " (Cardiff, près de la mer

Se dit Clare, jadis adoptée, apprend qu'elle est héritière de la famille qui l'a jadis abandonnée. Cet accroc, toutes les femmes de ces nouvelles le ressente à l'intérieur de leur corps. Elles sont obligées de le réparer pour continuer à avancer et seule la vérité apparaît comme la véritable réparation.

"La proprioception - c'est la faculté de localiser l'âme à l'intérieur du corps".

Il est évident que dans ce recueil les hommes apparaissent comme des coquilles vides, régies par leur instinct animal, les femmes n'étant que des objets utiles à assouvir leurs besoins. Ils ne leur pardonnent rien alors qu'il faut tout leur pardonner : égocentrisme, absence, gestes déplacés et égoïsme. De fait, ils sont incapables de proprioception et avancent en mâle dominant.

Dans L'Enfant survivant et Cardiff, près de la mer, le suicide apparaît comme une purification du moi dans un monde pourri, mais comme il est conjugué au meurtre d'un enfant, il devient innommable, inqualifiable. Sauf que Oates y ajoute la responsabilité masculine, semant ainsi le doute chez le lecteur.

Les quatre nouvelles distillent le malaise car l'autrice y justifie des actes désespérés et n'hésitent pas à pointer du doigt les véritables responsables. Avec son style unique faisant la part belle aux voix intérieures (en italique dans le texte), Joyce Carol Oates scrute les méandres de l'âme humaine et en fait ressortir les vices cachés.


#Cardiff, près de la mer

#Mia Dao 

#Comme un fantôme, 1972 

#L'enfant survivant


Ed. Philippe Rey, mars 2022, traduit de l'anglais (USA) par Christine Auché, 445 pages, 23€

Titre original : Cardiff, by the sea