mardi 22 mars 2022

L'Enfer, c'est les autres

Sept pensionnaires d'un hôtel ont péri dans l'éboulement de la falaise qui surplombait l'édifice. Ils participaient à un festin dont l'idée était venue quelques jours plus tôt.  Mais qui étaient ces personnes toutes étrangères l'une à l'autre et qui se sont retrouvé finalement ?

Leur premier point commun c'est d'avoir choisi cet étrange hôtel pour y séjourner, tenu par une mère et ses trois fils tandis que le mari reste à longueurs de journées dans son cagibi, à pontifier sur les événements de la journée.
 "L'anse de Pendizack s'appelait autrefois Hell's Kitchen et que ses fils voulaient appeler le manoir Hôtel de l'Enfer".
L'épouse est plus pragmatique, ne cachant pas que son activité sert à renflouer le bas de laine et à payer les études de médecine du fils préféré ; et tant pis s'il faut faire taire les alertes à l'éboulement pour ne pas faire fuir les clients...
Justement, les clients de son hôtel sont bien singuliers et si on y regarde de plus près, sept d'entre eux sont l'incarnation d'un pêché au sens biblique du terme. Dans leur excentrisme et leurs défauts décrits au paroxysme, on retrouves des âmes écorchées, à vif. Parfois, les chambres sont des lieux de souffrance morale, de silences et de non-dits, où des couples sont incapables de surmonter leurs malheurs.
"L'atmosphère de la chambre était comme pétrifiée : on aurait dit qu'une scène violente venait d'y avoir lieu et que ses occupants avaient été frappés d'immobilité".
Heureusement, l'autrice a fait le choix de l'humour. Sous la forme d'un calendrier inversé (on remonte sept jours avant le drame), le lecteur suit chacun des personnages évoluer ensemble dans et autour de l'hôtel de Pendizack. De plus, le contexte sociétal de l'époque, l'après guerre, ajoute du piment à l'ensemble lorsque les protagonistes tentent de l'utiliser pour justifier leur attitude. 

"L'Enfer est ici, je n'en suis pas sorti" raconte l'un d'entre eux en citant Méphistophélès. Dès lors, on peut se demander si la tragédie naturel ne prend pas une dimension de punition religieuse lorsqu'on lit l'ensemble du roman. Et si finalement cet hôtel était le purgatoire ?


Ed La Table Ronde, collection Quai Voltaire, mars 2022, traduit de l'anglais (GB) par Denise Van Moppès (entièrement révisée), 480 pages, 24€