mardi 15 mars 2022

De la complexité d'exister


En août 2016, Bill Clegg était le nouveau venu de la sphère littéraire américaine avec l'impressionnant Et toi, tu as eu une famille ? dans lequel Il racontait la fuite de June après un drame familial.
Dans ce second roman, Bill Clegg reprend la structure du roman choral pour raconter l'étrange amitié entre la richissime Dana et la "prolétaire" Jackie. La soixantaine passée, elles ne se voient plus mais leurs histoires, leurs secrets et leurs mensonges ont laissé une marque indélébile qui ressurgit à un moment où elles pensaient que tout était oublié.

Dana Ross a utilisé sa richesse et son statut social pour dominer et manipuler les autres. Mais c'est une femme seule qui n'a jamais réussi à garder un homme ou une femme auprès d'elle. Alors la vie de Jackie avec Floyd, leurs deux enfants, sont toutes des choses qu'elle n'a jamais réussi à avoir. Cela fait longtemps que Jackie a coupé les ponts avec son amie d'enfance mais Dana pense souvent à elle et maintenant que son secret le plus important est en passe d'être révélé, elle sait qu'une dernière fois, elle aura le dessus sur Jackie.

Au centre de tout ça, Lupita, la fille des domestiques de la famille Ross dans la gigantesque demeure de Edgeweather. Après sa grossesse non voulue, elle a refait sa vie à Hawaï sans jamais pouvoir vraiment oublier ce qui s'est passé. Depuis quelques jours elle reçoit des appels du continent. Elle sait que c'est source d'ennuis, elle devine que le secret qu'elle partage avec Dana et Mo une autre amie est en passe d'être révélé...

Le fils de Lupita, Hap, ne sait pas que c'est un enfant adopté. Lui-même père depuis quelques heures, il perd pied, ne sait plus trop où il en est. Depuis que Dana lui a fait livrer une étrange valise dans laquelle s'entassent des papiers révélant ses origines, les souvenirs affluent et les questions existentielles aussi.

"Il flotte au large de sa vie, une vie dont elle est le centre, dans l'impossibilité de regagner le rivage".

L'adage populaire dit que les secrets sont toujours trop lourds à porter. Celui qui constitue le roman a influencé la vie de chacun des protagonistes sur presque un demi siècle. La Fin du jour annonce la révélation ultime. Or, au fil des pages, le lecteur se rend compte que cette dernière n'est plus qu'un prétexte pour raconter une amitié. Et forcément ce sentiment entraîne trahison et rédemption.
Comme dans la tragédie classique, ce roman se déroule en une seule journée et tout ce qui s'y joue aura une conséquence irrémédiable sur la vie des personnages en présence. Paradoxalement, Bill Clegg prend son temps pour poser les choses, les expliquer et renouer les fils inextricables qui lient chacun. Aucune vérité n'est bonne à dire croit-on, alors peut-on encore pardonner même après tant d'années ?

La Fin du jour est habilement construit. Le lecteur est lui aussi manipulé jusqu'à la révélation finale. Avec ce second roman, Bill Clegg, agent littéraire de profession, s'avère être un écrivain habile dans la description des sentiments et des émotions jusque dans ses plus infimes détails.

A découvrir, vraiment.