"De tous les lieux de l'univers, le plus étrange était ici".
Se dit Théo, jeune veuf et papa de Robin, neuf ans. Biochimiste de formation, son travail est d'élaborer des programmes capables de détecter, à partir du spectre d'une exoplanète, des possibilités d'apparition de la vie. Or, depuis l'élection du nouveau président des Etats-Unis, son travail n'est plus mis en valeur.
"Seule la sidération nous protégeait d'une guerre civile".
Dans le même temps, il s'emploie à éduquer son jeune fils qui - encore une histoire de spectre - est différent : autisme, trouble du comportement, Robin est capable d'entrer parfois dans des rages incontrôlables, "mon triste et singulier garçon au bord de ses neuf ans, en porte-à-faux avec ce monde" se dit-il souvent.
"Elles ont beaucoup en commun, l'astronomie et l'enfance. Toutes deux sont des odyssées à travers des immensités".
Robin est comme sa mère jadis, un défenseur de la cause animale et de la préservation de la nature. Il est persuadé que ce sont les Hommes qui contribuent aux grands malheurs naturels et désirent ardemment le faire savoir.
"Tout le monde sait ce qui est en train de se passer.
Mais on regarde tous ailleurs."
Pour que Robin s'apaise et appréhende mieux son rapport aux autres, Théo accepte la thérapie avant-gardiste que lui propose le Dr Currier, un neurologue ; intégrer Robin dans un programme de feedback afin qu'il puisse de nouveau rencontrer sa maman à travers les traces de scanners cérébraux qu'elle avaient laissés jadis. Le protocole fonctionne à merveille. Robin sort du "spectre" tandis que le monde bascule de plus en plus. Dès lors, Théo s'interroge de plus en plus sur ses motivations en tant que scientifique et et en tant que père. Car, lorsque la thérapie prônée par le Dr Currier ne sera plus subventionnée, que se passera-t-il pour Robin ?
"Qu'est-ce qui est plus grand, l'espace du dehors ou celui du dedans"?
Ainsi Théo a développé une théorie à propos de son fils : "la vie est une chose qu'il faut cesser de vouloir corriger. Mon fils est un univers de poche dont je n'atteindrais jamais le fond. Chacun de nous est une expérience en soi, et nous ne savons même pas ce qu'elle est censée tester".
Richard Powers mélange allégrement roman écologiste et science-fiction pour dénoncer les travers bien réels de nos sociétés capitalistes en général et de la société américaine en particulier. Le petit héros de son roman est un écorché vif qui concentre à lui seul toutes les questions que se posent les générations à venir.
On sort de Sidérations avec une myriade de questions en tête. Avec le recul, il nous pousse à avoir une réflexion sur notre mode de vie et pourquoi pas, de changer nos pratiques avant de sombrer dans la stupéfaction trop tard.
A découvrir.
Ed. Actes Sud, septembre 2021, traduit de l'anglais (USA) par Serge Chauvin, 400 pages, 23€
Titre original :Bewilderment