Rentrée littéraire 2021
Et si notre réserve d'oxygène naturelle disparaissait, conséquences de siècles d'exploitation massive pour satisfaire un monde capitaliste de plus en plus gourmand ? Dans la famille Greenwwod, recherchez le grand-père, Harris, qui a fait fortune en abattant des milliers d'arbres et recherchez la petite-fille, guide à la Cathédrale sur l'île de Greenwood Island (Colombie Britannique) où subsistent encore des pins centenaires malgré le grand dépérissement. Et entre eux deux, l'histoire d'une famille...
"Que sont les familles sinon des fictions ? Des histoires qu'on raconte sur certaines personnes pour certaines raisons ? Comme toutes les histoires, les familles ne naissent pas, elles sont inventées, bricolées, avec de l' amour et des mensonges et rien d'autre".
2038, 2008, 1974, 1934, 1904, Michael Christie nous fait remonter le temps, non pas de façon linéaire inversée mais en fonction des histoires qu'on raconte sur la famille Greenwood. Ce n'est pas anodin car interroger le passé permet de mieux comprendre le présent. Jacinda (alias Jake) Greenwood ne sait pas grand chose de son passé et pense même naïvement que l'île qui porte son nom et où elle travaille comme guide n'a rien à voir avec son patronyme. Pour elle, l'important n'est pas là, il se trouve dans la préservation des arbres où plutôt de ce qu'il en reste dans cet écosystème préservé on ne sait pas trop comment du Grand Dépérissement. L'Humanité vit en 2038 dans la poussière et des arbres de moins en moins nombreux.
"Chaque jour, son cerveau grésille de nouvelles ondes d'entendement. Elle devient convaincue qu'une connaissance véritable et parfaite des mécanismes secrets des arbres est le passe-partout intellectuel qui déverrouillera toutes les réponses à ses questions. Que même les mystères impénétrables du temps; de la famille et de la mort peuvent être résolus si on les considère par le prisme vert de cet organisme magnifiquement complexe".
A partir de ce constat, le lecteur plonge dans l'histoire de la famille Greenwood, plombée par la course aux affaires, aux non-dits et aux secrets. Un jour, un Greenwood sauva un nouveau-né de la mort et ce fut le début des histoires qu'on raconte sur cette famille, tiraillée par leur amour des arbres et leur appât du gain.
"Le bois, c'est du temps capturé. Une carte. Une mémoire cellulaire. Une archive".
Contrairement aux souvenirs qui se réinventent au fil du temps, les arbres ne mentent pas. Ils emprisonnent dans leurs cernes des témoignages du passé, traumatiques ou non. Ils sont les témoins malgré eux des agissements humains, c'est pourquoi la grand-mère de Jacinda, Willow, avait décidé de renoncer à la richesse pour les sauver.
"La nature est plus grande que toute l'Humanité réunie".
Lorsque le dernier arbre est un roman dense, complexe, qui raconte une famille dont le destin est étroitement lié aux arbres. L'auteur détricote les fils de la toile et propose des petites histoires qui servent la grande. Plus généralement, la nature humaine en prend pour son grade, pervertie par les plus vils intérêts, capable de mettre de côté les siens pour servir des objectifs plus sombres.
"Plus les temps sont durs, plus nous nous comportons mal les uns envers les autres. Et ce que nus avons de pire à offrir, nous le réservons à notre famille".
Précise Harvey Lomax l'homme de main à la recherche du nouveau-né. Et lorsque le dernier arbre s'effondrera, ravagé par la maladie, que deviendront ces familles, ces fictions, ces souvenirs ? ils deviendront poussière et seront balayés par les vents.
Ed. Albin Michel, Collection Terres d'Amérique, août 2021,traduit de l'anglais (USA) par Sarah Gurcel, 608 pages, 22.90€
Titre original : Greenwood