Cela fait un an que les deux amis, Jack et Wynn, en rêvaient : une virée de plusieurs jours en canoé sur le fleuve Maskwa au nord du Canada. A l'aide d'une carte vieille de plusieurs années, ils ont préparé un itinéraire et volontairement oublié un téléphone satellite pour appeler les secours au cas où. Ce ne sont pas des débutants et leur amitié longue de plusieurs années leur permet de se comprendre au premier regard.
"Si Jack aimait l'altitude et le froid, Wynn aimait être dans l'eau aussi souvent que possible et le chaos des eaux vives ne le dérangeait jamais - c'était dans ces moments qu'il semblait pleinement vivant".
Ce fut d'abord un silence trop long, puis une odeur pour enfin être une colonne de fumée au loin. Un gigantesque incendie de forêt les poursuit et met à mal leur itinéraire. Jack et Will ne paniquent pas, décident de pagayer un peu plus longtemps pour ne pas se faire surprendre par l'incendie. Un matin, dans la brume matinale, ils entendent des cris, distinguent deux silhouettes, mais sont incapables de situer ce qui se passe tant la berge est fantomatique.
"Un feu de forêt avait beau s'approcher et les gelées avaient beau être précoces, pour l'instant, le paysage semblait déchaîné et sauvage, abondant et plutôt inoffensif".
Parce qu'ils ont le sens des responsabilités, les deux hommes reviennent sur leur pas, le sentiment imprégné en eux qu'un drame s'est noué dans le brouillard. Ils y trouvent une jeune femme gravement blessée et inconsciente. Désormais, deux dangers les guettent : le feu de forêt et celui qui a violenté la victime. Qui est le plus dangereux : l'homme ou la nature ?
Les deux héros de La Rivière ont en commun la volonté de rester eux-mêmes, d'affronter le danger et un regard sur le monde naturel qui les entoure.
"Wynn et lui avaient cela en commun, un regard littéraire posé sur le monde. Ou au moins un amour des livres, de la poésie, de la fiction et des récits d'expédition".
Bien malgré eux, ils deviennent la dernière protection pour une femme en détresse, et les derniers remparts d'une conception positive du monde. C'est leur passé ponctué d'épisodes dramatiques qui fait ce qu'ils sont devenus.
Le suspense monte crescendo au fur et à mesure que les coups de rame ramènent les personnages vers la civilisation. Les vacances deviennent une course contre la montre. L'incendie, peu à peu, devient un danger secondaire. La nature se remettra de ce drame, alors qu'un jeu de cache-cache dramatique se joue.
Peter Heller se sert de sa profonde connaissance des milieux naturels sauvages pour distiller l'angoisse au point que parfois on se croirait dans un huis clos... à ciel ouvert ! Les fans de l'auteur ne seront pas déçus car on retrouve le cocktail littéraire qui fait de l'auteur un écrivain à ne pas laisser de côté.
La Rivière renoue avec les premiers succès littéraires de Peter Heller, et ça nous fait du bien.
Ed. Actes Sud, mai 2021, traduit de l'anglais (USA) par Céline Leroy, 304 pages, 22€