Depuis sept ans, Jim Carlos traîne son labrador Lebowski de chantier en chantier de jardinerie. Il l'avait d'abord appelé Dumby comme dans le roman de John Fante, Mon chien Stupide, puis son comportement lui a fait modifier son nom de baptême :
"Mais ensuite, il s'est transformé en une grosse masse molle et blonde, toujours avachi et décalé comme Jeff Bridges dans le film des frères Cohen, alors ça m'a amusé de le surnommer Lebowski, et finalement le nom lui est resté".
Quand il est engagé par les Loubet, couple aussi propre et méticuleux que leur villa et l'intérieur de leur piscine, Jim est obligé de lier son chien à un arbre car la cadette de la famille les a en horreur. Le jardinier s'aperçoit d'emblée que la propriété n'est qu'une façade.
"Il y avait beaucoup de choses mortes dans cette propriété".
Tout est dans le paraître : bien montrer aux gens que nous avons une position sociale élevée mais que nous restons des gens simples car nous employons un jardinier avec qui nous partageons parfois un café...
"Ils veulent, nous voulons tous être sauvés de ce que nous considérons comme une noyade : l'anonymat".
Jim n'est pas crédule ; il rit sous cape quand Arnaud Loubet lui demande de faire en sorte que la parc devienne très arboré.
"Une forêt doit avoir une certaine dimension pour constituer un système cohérent".
Un jour, Lebowski gratte le sol et y déterre un os. Son maître n'arrive pas à l'apparenter à celui d'un animal alors il demande au médecin légiste qui vit dans son village de l'aider. Pas de doute c'est un os humain. A partir de là, le récit s'emballe : Jim est sûr qu'il s'agit de celui de la fille aînée des Loubet, Jeanne, celle dont on ne parle jamais et dont même le prénom est un sujet tabou.
"Qui es-tu Jeanne ? Où es-tu ?"
Chez les Loubet, il faut exister coûte que coûte, mais quand on sort du sentier battu ou qu'on devient trop curieux, notre vie est en danger...
L'Os de Lebowski se constitue de deux carnets rédigés par Jim ainsi que le compte-rendu de l'enquête menée par une juge d'instruction. D'emblée, on sait donc qu'il s'est passé un événement dramatique, mais jusqu'au dernier tiers, ce dernier reste insaisissable car l'auteur s'amuse à mener le lecteur vers une fausse piste, le tenant en haleine jusqu'à la fin.
Plus on avance dans l'intrigue, plus le vernis des apparences se craquelle : la perfection s'estompe au profit d'une vérité bien moins reluisante, mettant à jour un couple toxique et pervers.
Vincent Maillard a écrit un roman de bonne facture flirtant avec le polar sans pour autant y utiliser tous les codes et rappelle à chacun cet adage populaire : "pour vivre heureux, vivons cachés"!
Ed. Philippe Rey, mai 2021, 202 pages, 19€