Laissons de côté le luminol, les analyses ADN, et les empreintes pour mettre en avant l'intuition, la réflexion et les déductions. Amaïa Salazar connaît bien les Etats-Unis pour y avoir poursuivi sa scolarité depuis l'âge de douze ans, surtout pour échapper à sa mère, véritable sorcière prête à tout pour la sacrifier. Depuis, elle est revenue au pays Basque, dans la région de la petite ville d'Elizondo où elle a entrepris une carrière policière. Dans le cadre d'un stage au FBI, la jeune enquêtrice retourne au pays de l'oncle Sam. Le contexte est particulier car elle se retrouve à devoir enquêter sur un tueur de familles qui sévit lors des catastrophes naturelles.
Nous sommes en aôut 2005 et l'ouragan Katerina approche dangereusement les côtes de Louisiane. Les autorités et les alertes météo s'accordent à dire que cette tempête sera terrible mais prennent bien trop tard les décisions d'évacuation. Au fur et à mesure du roman, l'autrice raconte la population laissée à l'abandon, les digues qui cèdent et inondent les quartiers pauvres, les bavures policières, les signes laissés sur les postes par les secours pour indiquer que la maison dévastée a été vérifiée.... Dans ce contexte apocalyptique, Salazar se met en chasse. Des souvenirs d'enfance douloureux la submerge tout en tentant d'appréhender le criminel.
[l'homme]"s'est redressé face aux ruines de la ferme, a levé les deux bras et, dans un silence absolu, s'est mis à bouger lentement et en rythme, comme s'il dirigeait un grand orchestre. Le compositeur, c'est ainsi que l'a appelé le témoin, et c'est le nom par lequel le désigne le département qui enquête sur lui".
Parmi les décombres, Amaïa fait corps avec cette ville en souffrance. On en apprend alors un peu plus sur le passé de l'enquêtrice, ce qui nous fait penser que ce roman constitue un préquel à la trilogie du Bastan.
"Devant les rues inondées, l'exode de milliers de personnes vers le centre, la puanteur, la chaleur, les pleurs des enfants dans le silence d'une ville détruite, qui criait depuis trois jours au fond de sa tombe d'eau sans que personne l'entende, elle pensa : "j'étais comme cette ville".
(...)
"Quand on survit, on apprend à vivre. On n'a plus le choix quand on est morte".
Avec l'agent spécial Dupree , Bill et Bull ainsi que Charboud, une course contre la montre s'engage pour retrouver le Compositeur qui sévit dans les maisons dévastées de la Nouvelle-Orléans. Dans le même temps, l'équipe entreprend une incursion dans le bayou, à la poursuite de Samedi, incarnation du mal et kidnappeur de jeunes filles...
"Le crime est la façon dont l'assassin se purge de sa propre douleur, puisqu'il a souvent été victime avant de passer à l'acte".
A partir de ce postulat, Salazar tente de comprendre les motivations du Compositeur et la récurrence de ses actes. Elle remonte la piste d'un certain Lenx et ses prophéties apocalyptiques "les étoiles tomberont du ciel et les puissances célestes seront ébranlées".
La face du nord du cœur est un roman haletant qu'on a du mal à lâcher tant il est visuel et multiplie les pistes toutes vraisemblables. Les personnages sont complexes, forts et l'héroïne, Amaïa Salazar est une véritable énigme.
"Ceux qui ont survécu sont les enfants de la tempête. Si elle ne les a pas tués, personne n'a le droit de le faire".
Je ne sais plus où j'ai lu que Dolores Redondo était la Fred Vargas espagnole. Je suis d'accord avec cette comparaison, pour une fois.
Ed. Gallimard, collection Série Noire, janvier 2021, traduit de l'espagnol par Anne Plantagenet, 688 pages, 20€
Titre original : La cara norte del corazon