"Peter dégageait quelque chose de sombre et de fort, si bien que tout le monde considérait que c'était l'homme idéal, et sa connaissance du latin s'avérait utile. Il passait la plupart de son temps en plein air. Il en vint à être constamment un peu enrhumé, et il sentait les fleurs pourries et la pierre froide".
Finalement l'homme idéal ne l'était pas. Il laisse une épouse et ses jumeaux bébés dans un grand dénuement. Pourtant le couple avait une passion commune pour le latin et vivait comme si cette langue était toujours d'actualité. La jeune femme qui se voyait "Reine des souris" enfant, se transforme peu à peu en louve, telle que celle qui nourrit jadis Romulus et Rémus. Se noyer dans l'imaginaire c'est fuir aussi un quotidien devenu trop pesant...
Le Peter s'efface pour que puisse se transformer celle qu'il a abandonnée. Elle devient vite cleptomane, puis carnivore en quête de sang. Ses cauchemars prennent le pas sur la réalité et font parti du décor. Quant à ses jumeaux, elle ne sait plus trop ce qu'ils sont devenus.
"Je cherchai partout dans la rue et la ruelle (...) Ils avaient disparu. J'avais dû les manger au cours de mes dernières heures de louve".
Au début, le fantastique se même au réel pour ensuite l'envahir et l'effacer de la conscience de la jeune femme. Et durant le processus, cette dernière voit en elle l'instinct prendre le pas sur son raisonnement.
Camilla Grudova utilise les codes du genre fantastique pour nous offrir une nouvelle courte, drôle et déconcertante. Malgré tout, l'ensemble est rempli de messages sous-jacents. Une seconde lecture permet de comprendre la descente aux enfers d'une mère isolée qui ne supporte plus le poids de ses responsabilités.
Cinquième texte proposé dans la collection, La nonpareille tire encore une fois son épingle du jeu en proposant un récit original et percutant.
Ed. La Table Ronde, collection Lanonpareille, octobre 2020, traduit de l'anglais (USA) par Nicolas Richard, 48 pages 5€
Titre original : The Mouse queen