Faye est dans l'avion qui l'emmène à un festival littéraire, et déjà ses voisins de siège s'épanchent sur leurs souvenirs. Dans ce troisième tome, on se rend vraiment compte que Faye est un catalyseur. Elle recueille les confessions de gens inconnus qu'on pourrait croire d'abord anodines mais qui s'avèrent être beaucoup plus importantes car les souvenirs relatés ont eu une influence structurelle sur leur personnalité.
"Qu'est ce que l'histoire sinon le souvenir sans la douleur ? (...) Aujourd'hui, si les gens veulent de nouveau affronter certaines de ces épreuves, ils vont à la salle de sport".
En échangeant avec ses homologues écrivains, elle se rend compte que chacun en est venu à l'écriture pour des raisons différentes mais que, finalement, tous font de la fiction une affaire de survie.
"Au bout du compte, l'écriture était ce qui l'empêchait généralement de franchir le pas. lorsqu'elle écrivait, elle n'était ni dans ni hors de son corps : elle l'ignorait tout simplement".
Ecrire permet d'extraire de soi ce qui nous est le plus intime, le plus caché et le révéler déguisé, travesti. Seulement, les lecteurs n'auront pas tous la même perception du texte que l'intention originelle établie par l'auteur.
"Alors que j'avais toujours présenté l'histoire, à moi et aux autres, comme un récit de guerre, en fait c'était juste un récit sur le changement".
La manière dont on perçoit un texte peut s'apparenter à la manière dont on raconte une histoire à autrui, un peu comme le divorce. Chez celle qui le subit, c'est une guerre, chez celui qui en est le témoin c'est juste un changement...
"Kudos signifiait littéralement des félicitations, tandis que sa forme originale renvoyait au concept plus large de reconnaissance ou d'honneur, ou désignait une chose qui pourrait être revendiquée à tort par quelqu'un".
Dès lors, Faye est un peu le Socrate moderne. Elle "accouche" les âmes de celles et de ceux qu'elle rencontre. La maïeutique socratique se met en place. Elle ne juge pas même si certaines confessions résonnent avec son histoire personnelle. Sa discrétion implique une distance et une neutralité qui rassure. Sa capacité d'écoute est infinie, pour le plus grand plaisir du lecteur.
Ed de l'Olivier, novembre 2020, traduit de l'anglais (GB) par Cyrielle Ayakatsikas, 208 pages, 22€