Anton Winter, fils du célèbre présentateur de talk show Buddy Winter revient d'une mission en Afrique où il a failli mourir du paludisme. Revenir à New York c'est renouer avec les locataires du Dakota Building, les voisins de ses parents, tous aussi célèbres les uns que les autres et parmi eux, et pas des moindres, John Lennon.
"La célébrité était un mal dont souffrait nombre d'occupants du Dakota. John la décrivait comme une forme d'emprisonnement, certes douillet, mais il avait confié à Buddy qu'il donnerait volontiers plusieurs années de sa vie pour pouvoir se promener là où il voulait sans que quiconque s'intéresse à lui".
Pourtant Beautiful Boy, malgré sa couverture trompeuse, n'est pas roman sur les derniers mois de la star. C'est surtout un roman sur le New-York des années 70, sa violence, ses habitants et ce sentiment persistant que tout y est toujours possible.
"L'île de Manhattan n'était pas si grande que ça. Il suffisait d'un après-midi pour la traverser du nord au sud. Elle s'élevait à la verticale, et l'idée d'entasser des millions de vies les unes sur les autres me semblait presque comique".
Quand Anton retrouve ses parents, sa mère est accaparée par la campagne électorale de Ted Kennedy tandis que son père Buddy tente de revenir sur le devant de la scène après une traversée du désert médiatique. Et en narrateur lucide, Anton sent bien qu'il peut y jouer un rôle important.
"Lors d'une de nos balades, Buddy m'avait expliqué que sans moi il ne pouvait pas être lui-même, comme si j'étais devenu le gardien de son charisme et de son esprit. En lui rappelant ce qu'il y avait de meilleur en lui, me dit-il, je pourrais lui permettre de revenir au sommet de son art. Il croyait que, pour l'aider, il me fallait être lui".
Mais à vingt-trois ans, même si on a grandi dans l'opulence et la célébrité, pas sûr qu'on ait envie de vivre à travers l'aura d'un autre fut-il son père...
"En définitive, mon retour fut comme un effacement. Buddy absorbait toutes mes histoires".
John Lennon est la solution. Lui aussi est à un tournant de son existence. Les Beatles sont derrière lui, il fuit la célébrité et admet être volontiers sous l'influence de Yoko Hono. S'il accepte de participer à la nouvelle émission de Buddy, il permettrait à coup sûr d'assurer le grand retour de l'animateur à la télévision.
Le Dakota Building |
Les Winter , "ces gens qui avaient de l'argent et des relations", sont une famille unie qui ont bien senti qu'une page se tournait. L'argent file entre les doigts, le Buddy Winter Show appartient à un passé lointain, et New-York est à l'image de leur avenir : incertain, tant la violence quotidienne donne "parfois l'impression de vivre la fin du monde".
Beautiful Boy est aussi une fine analyse sur la célébrité et ce qu'elle engendre dans le cercle intime. On s'en plaint souvent mais on ne peut s'en défaire. Le Dakota Building est le symbole de cette mentalité. N'y vivent que des gens qui aspirent à l'anonymat tout en étant rassurés d'avoir pour voisin des gens "comme eux". Tom Barbash raconte avec des mots justes la relation père-fils, les questionnements d'un fils qui veut à la fois protéger le père, l'aider, mais aussi s'en séparer pour pouvoir s'envoler de ses propres ailes.
Beautiful Boy exploite de nombreux thèmes qui en font la richesse. Déjà, en 2015, dans Les Lumières de Central Park, recueil de nouvelles déjà traduit par Hélène Fournier, l'auteur racontait sa ville et les émotions complexes qui apportent de la valeur aux relations humaines. Avec ce dernier roman, nous nous promenons dans les rues de New-York en charmante compagnie, nous prenons le pouls de la ville et surtout nous nous disons que décidément Tom Barbash mérite d'entrer dans la cour des grands auteurs.
Ed. Albin Michel, collection Terres d'Amérique, octobre 2020, traduit de l'anglais (USA) par Hélène fournier, 416 pages, 22.90€
Titre Original : The Dakota Winters