Hiroki Takahashi n'est pas le premier auteur à se pencher sur le harcèlement adolescent. Avant lui, Heaven de Mieko Kawakami (Actes Sud, 2016), racontait l'ijime, mot très court pour raconter un enfer quotidien.
Cette fois-ci, c'est à travers les yeux d'un nouveau venu de la ville, Ayumu, qu'on assiste aux paris, défis et brimades de plus en plus glauques qu'Akira, petit tyran local, impose à Minoru un garçon de sa bande qui porte sur le front une cicatrice des exploits de son bourreau. Et pourtant, pendant longtemps, on a l'impression que la victime accueille ses sévices avec fierté, comme s'il était atteint d'un syndrome de Stockholm, jusqu'à refuser l'aide d'Ayumu.
" Mais pour Ayumu, le spectacle qui se déroulait sous ses yeux n'était même plus de la violence. Dans ce vertige doré grouillaient des êtres humains qu'il ne comprenait pas, exaltés par un jeu qu'il ne comprenait pas, et l'environnement se couvrait de sang. (...) Comment avait-il atterri dans ce chaos" ?
La société nipponne, partagée entre tradition et modernité a aussi sa fête des morts. Les lanternes sont posées sur le fil de l'eau et symbolisent l'âme des disparus. Akira a toujours été attiré par le feu et la chaleur. Et si l'Okuribi était l'occasion d'asseoir son autorité sur le petit groupe d'adolescents ? Mais Ayumu veille...
Le lecteur est le témoin impuissant d'une violence juvénile grouillante et rampante qui mène droit au chaos. Les silences complices, les dos tournés, ne font qu'accroître l'impression de malaise. On attend le basculement, le moment clé où l'ijume va sombrer dans le drame. Car finalement Hiroki Takahashi dénonce la responsabilité de chacun et pointe du doigt l'inertie ambiante. Glaçant.
Ed. Belfond, octobre 2020, traduit du japonais par Miyako Slocombe, 128 pages, 20€