mercredi 22 avril 2020

En quête de vérité


Hegatea et Mugi  sont dans leur douzième année. Ils sont amis et se voient en dehors de l'école. Leur point commun est d'avoir grandi avec un seul parent. Hegatea a perdu sa mère très jeune tout comme Mugi a perdu son père. Ils ne sont pas malheureux, ils ne savent pas ce que c'est de grandir avec deux parents.

Justement, ils arrivent à un stade de leur existence où on se pose beaucoup de questions. C'est bientôt le passage à l'adolescence, les premiers émois amoureux, la volonté de ressembler à des grandes personnes. Alors que Hegatea découvre que son père a eu une autre famille avant elle, Mugi tombe amoureux de Miss Ice Sandwich, une vendeuse de sandwichs aux grands yeux maquillés outrageusement de bleu.

Chaque famille possède sa part de secrets. Les deux enfants se confient, donnent leur point de vue et fomentent un projet pour découvrir la vérité sur la sœur cachée de la petite fille.
"Il m'a regardé.
- Partir ? Ça veut dire quoi, partir ?
- Je ne sais pas trop, j'ai répondu, Mais j'ai l'impression que c'est la seule chose à faire".
Aller au-delà du quartier et conquérir d'autres territoires, n'est-ce pas une forme de fugue ?

Mieko Kawakami reprend ce qui a fait le succès de son précédent roman, Heaven (Actes Sud, 2016, traduction de Patrick Honnoré) à savoir l'amitié entre deux jeunes adolescents avec en toile de fond la quête de soi et le rapport - souvent innocent - au monde extérieur.
A première vue, J'Adore n'a pas un grand intérêt littéraire. Il ne se passe pas grand chose et parfois, le lecteur a l'impression que le récit souffre de répétitions. Seulement, en s'y penchant de plus près, on s'aperçoit que l'intérêt du roman est ailleurs. Il est dans l'analyse des scènes intimes décrites, comme par exemple le fait que le sapin de Noël reste monté toute l'année, ou que la maman de Mugi gagne sa vie en tant que médium, ou encore les soirées cinéma du vendredi soir chez Mugi avec son père, pourtant critique de cinéma reconnu, qui s'endort invariablement au début du visionnage. Ainsi, J'Adore est dans le détail de scènes anodines mais qui prennent tout leur sens lorsqu'elles sont mises bout à bout. Elles expliquent les caractères des deux personnages et la béance avec laquelle ils vivent.
L'auteur a fait le choix de scinder son roman en deux parties avec un narrateur différent, pour varier ainsi le point de vue et nuancer l'analyse psychologique de chacun de ses héros.

Finalement, J'Adore s'inscrit à juste titre dans l'univers littéraire de son auteur et s'apprécie davantage quand on a lu les précédents romans.


Ed. Actes Sud, mars 2020, traduit du japonais par Patrick Honnoré, 222 pages, 22.50€
Titre original : Akogare / trad de Patrick Honnoré