D'habitude, la boutique d'éléments funéraires de ses parents ronronnent. Certes, chaque jour, la mère de Niannian confectionne des guirlandes de papiers destinées aux défunts, mais depuis le coucher du soleil, leur nombre a augmenté considérablement et beaucoup viennent passer commande.
Le soleil a disparu. A Gaotian, les troubles se multiplient. Des personnes errent dans les rues, semblant être éveillées, mais quand on s'approche, on s'aperçoit qu'elles dorment debout.
"La moitié de ces hommes et femmes avaient une mine aussi grise que la muraille d'enceinte d'une ville. Une mine terne et hagarde. Le teint plus ou moins cireux. Ils dormaient debout".On a beau tenter de les réveiller ou de discuter avec eux, rien n'y fait. Chaque somnambule a une idée fixe qu'elle doit accomplir.
"C'était donc ça le somnambulisme. Un oiseau sauvage qui pénètre l'esprit d'un homme et le met en désordre. Ses pensées, il les réalise en rêve. Ce qu'il ne doit pas faire, il le fait précisément".Comme l'écrivain du village, Yan Lianke est en panne d'écriture, Nannian décide de parcourir les rues pour raconter l'événement. Il se trouve que tous ceux qui se sont endormis ont basculé dans le somnambulisme. Ce phénomène désinhibe et permet de réaliser les actes que la raison interdit. Peu à peu, Gaotian sombre dans le chaos. Mairie et police ne sont pas épargnées.
Au fil des heures, le jeune homme prend connaissance de nombreux secrets notamment celui de son père, longtemps mouchard de défunts pour le compte de son frère. Les vieilles rancunes sont tenaces et Niannian se voit contraint de protéger les siens. Heureusement, ses parents mettent au point une mixture capable d'empêcher les gens de dormir et donc de sombrer dans le somnambulisme...
La Mort du soleil est une parabole plutôt réussie sur la morale et le vivre ensemble. A défaut de zombies, Yan Lianke a choisi des somnambules, tout en les reliant au monde des défunts par la famille de Niannian. Il y a des secrets qui méritent de rester cachés.
En filigrane, l'auteur propose une mise en abyme inédite sur la condition de l'écrivain et le tourment de la page blanche en se mettant en scène. Alors si le soleil décide de se lever, mettant fin à cette nuit étrange, qui pourra coucher par écrit ce qui se passe ?
Ed. Philippe Picquier, février 2020, traduit du chinois par Brigitte Guilbaud, 400 pages, 22.50€