Il n'y a pas si longtemps, on venait de partout pour voir les sœurs de Blackwater. Paraît-il que l'une d'entre elles avait le pouvoir de guérir les enfants de la mystérieuse fièvre qui sévissait dans les plaines. Seulement, les herbes et potions ne suffisaient pas, il fallait aussi que l'autre sœur éprouve de l'empathie pour ceux touchés par l'épidémie afin que leur sécurité soit assurée...
Maintenant celle qui guérit n'est plus. Seule demeure dans la maison familiale la sœur qui n'a pas su être compatissante. Froide et égoïste ? Non, selon elle, par les temps qui courent, mieux vaut être crainte qu'adulée. Alors, entourée de ses chiens de misère, elle vit recluse et surveille à la lunette astronomique les mouvements lointains des mercenaires et autres indésirables. Elle n'a pas le don de sa sœur pour soigner mais elle incarne celle qui sait écrire. Elle fabrique son papier et son encre puis retranscrit les lettres de ceux qui viennent la voir.
Quand Mr Hendricks ose l'accoster pour lui demander une lettre, son instinct lui dit de se méfier de cet homme qui souhaite se repentir auprès de ses proches par le miracle de l'écriture. Seulement, il l'amadoue, la met en confiance. La nuit, la lettre se forme même si les démons du passé résistent. Dans ce monde ou trône l'oralité, écrire est un acte de résistance.
"Ce n'est pas comme voler dans les airs (...) Leur arracher leurs mots, c'est comme plonger. Ecrire pour eux, c'est comme plonger sous la mer, la vitesse et la liberté, à l'aveugle".Une fois la missive terminée, elle devra quitter Hendricks pour se rendre en territoire hostile afin d'y rencontrer les destinataires, même si pour cela elle doit aller de l'autre côté de la rivière Blackwater et demander un droit de passage à ceux qui font la loi.
Les sœurs de Blackwater rend hommage au pouvoir des mots, bien plus puissants que tous les remèdes qui circulent dans ce monde dystopique. Celle qui sait écrire est puissante, bien plus puissante que ceux qui se cachent derrière leurs armes. Les lettres forment un rempart contre l'adversité. Or, à Black Hill, l'arrivée d'un homme bien mystérieux sape les fondations de la forteresse érigée par la loi écrite. Au-delà de la mort, les sœurs restent unies par l'esprit. Bien que différentes, autrefois opposées, elles veillent maintenant l'une sur l'autre. Seule l'union peut accomplir la vengeance.
Magie, poésie, dystopie font bon ménage et accueillent le lecteur dans un récit qui flirte avec le mythe et devient parfois incantatoire grâce aux pouvoir des mots.
Ed. Zulma, janvier 2020, traduit de l'anglais (USA) par David Fauquemberg, 225 pages, 21.80€