mercredi 5 février 2020

Le Bleu au-delà, David Vann

Le Bleu au-delà est présenté comme un recueil de nouvelles mais il peut se lire comme un roman car chaque récit traite d'un même sujet : la mythologie du père.


Dans l'oeuvre de David Vann, cherchez le père. Il s'appelle toujours Jim Fenn et son fils Roy. C'est un dentiste dépressif parti se réfugier dans l'état où tout a commencé : l'Alaska. Sa vie amoureuse est un désastre dû en partie à son incapacité à rester fidèle à une femme. Avec sa première épouse il a eu des enfants, dont Roy. 

Roy a grandi avec le souvenir d'un père rempli de failles, qui pleurait la nuit et se confiait à son fils, sans filtre. L'image du modèle paternel est considérablement écorné, c'est pourquoi, avec le temps, l'enfant devenu adulte tente de trouver des justifications au geste fatal d'un homme qui lui a tant manqué.
Chez les Fenn, on grandit avec des armes, on chasse le cerf ou on part à la pêche. Devenir un homme c'est toucher une proie. Devenir un homme, c'est ne plus reculer quand on appuie sur la détente. Les femmes gravitent toujours autour de ce microcosme mais elles incarnent - en tout cas pour Jim - la source à la fois de stabilité et de dépression. Que ce soit la mère de Roy ou Rhoda, l'autre épouse, elles sont devenues à un moment ou à un autre l'ancre familiale quand Jim s'enfonçait de plus en plus.
Mais quand on est un garçon, comment grandir avec un père qui a préféré mettre fin à ses jours pour ne plus affronter ses démons ?
Ces douze nouvelles appellent des thèmes récurrents : la figure du père, la mort, la chasse et la perte.

Alors Roy convoque ses souvenirs, parfois même les plus insignifiants, pour reconstruire un père dont la mémoire n'a gardé que - forcément - les moments les plus noirs.
Comme dans les autres titres de l'auteur Jim Fenn est l'incarnation d'une obsession. Son geste fatal a engendré un chagrin infini, lui qui se croyait mal aimé.
"L'absurdité c'est ce qui rend le chagrin supportable".
David Vann n'en a pas terminé avec ses démons. L'écriture les apaise et fait de la mort un compagnon avec qui on peut grandir, malgré tout, car au-delà du deuil, le ciel reste bleu.

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https://virginieneufville.blogspot.com/search/label/Vann%20D


Ed. Gallmeister, collection Totem, traduit de l'anglais (USA) par Laura Derajinski, 176 pages, 8.10€