Dans ce roman étrange et sombre, le lecteur est un voyeur, un témoin et un enquêteur.
Sonomura sait que la folie le guette. C'est comme cela dans sa famille, depuis toujours. Lorsqu'il est témoin du jeu étrange d'un homme et d'une femme, il s'en ouvre à son seul ami, à qui il révèle qu'un meurtre va être commis.
Les voilà tous les deux dans une ruelle sordide de Tokyo, l’œil rivé dans les interstices des planches du mur d'une vieille bâtisse. Devant leurs yeux se déroule une scène étrange. Une femme déguisée en geisha fait la pose devant un photographe, le cadavre d'un homme dans les bras !
"La femme venait d'assassiner un homme. Dans des circonstances semblables, n'importe qui prendrait un visage terrible".
Cette femme ne semble pas du tout affectée par le cadavre et trouve normal que son compagnon se débarrasse du corps à l'aide de produits chimiques. Elle devient une obsession pour Sonomura qui rêve de l'aborder, la côtoyer et, pourquoi pas, l'aimer.
"Elle est l'héroïne cardinale du roman criminel, elle est l'avatar du démon".Ce court roman noir de Tanizaki concentre à lui seul toutes les obsessions de l'auteur. Le contexte est malsain à souhait, les obsessions sexuelles sont plus de l'ordre de la déviance que du fantasme et le personnage principal porte en lui une béance qu'il n'arrive pas à combler.
Par un étrange jeu de mots codés "piqué" à une nouvelle de Poe, Dans l’œil du démon propose une intrigue minimaliste dans laquelle la mise en abyme se révèle efficace. Ainsi, c'est la structure même du roman qui donne de la dimension au récit et fait du lecteur à son tour un voyeur.
Ed. Picquier, octobre 2019, traduit du japonais par Patrick Honnoré et Ryoko Sekiguchi, 136 pages, 14€
Titre original : Hakuchu Kigo