Il suffit d'une journée pour que votre vie bascule. Celle de Tobias est parasitée par ses maladies imaginaires. A cinquante ans, il n'a jamais travaillé et vit encore avec sa vieille mère. Un matin, souffrant de la poitrine, il décide de se rendre chez son homéopathe. S'il avait su...
Le Docteur Svasky vit près de chez lui, c'est bien pratique car il peut s'y rendre en pyjama et en pantoufles. Ce jour-là, sur le chemin, il croise la belle-mère de son médecin qui cherche l'hôtel où le praticien se serait caché pour fuir son épouse. Il décide de l'aider profitant ainsi de l'aubaine pour pouvoir croiser l'homéopathe sans attendre son tour pendant des heures.
Tobias est un hypocondriaque qu'on pourrait qualifier - s'il existait un classement - de confirmé. C'est sa mère, veuve de colonel qui l'a initié dans l'écoute subjective et alarmiste de son corps. En plus de cela, il a grandi dans un environnement spirite, la pension de colonel passant dans les mains de charlatans leur promettant une petite conversation avec l'âme du défunt. A maintenant cinquante ans, Tobias ne connait rien de la vie. Sa vie sociale se limite à ses visites chez le médecin et à quelques amours platoniques.
Sa disposition naturelle à "intéragir avec le monde à travers ses maladies" l'a fait devenir un patient à part. Désormais, le Dr Svarsky a bien compris qu'il ne souffrait de rien véritablement et se contente de lui prescrire des placebos rassurants. A ses yeux, Tobias est "son plus vieux patient mais aussi le plus jeune", et à chacune de ses visites, il en profite pour se confier, car au fil des années, le praticien a honte de ce qu'il est devenu.
"Car la vérité est qu'avant de travailler comme charlatan, j'ai étudié la médecine. La vraie médecine, je veux dire, celle qu'on étudie dans les universités, puis je me suis spécialisé et j'ai fini par devenir un pneumologue acceptable".Tobias n'était pas celui qui lui fallait. Trop tourné vers ses douleurs, il s'avère être un confident déplorable C'est pourquoi, lorsqu'il découvre le Docteur Svarsky caché à l’hôtel Mignon avec son ancienne secrétaire pour fuir une épouse adultère et névrosée, il semble découvrir une situation que son médecin avait tenté de lui décrire depuis des mois.
S'ensuit une suite de péripéties rocambolesques où Tobias devra prendre des décisions qui mettront en perspective son propre passé et sa vie privée inexistante. Bref la lucidité va devoir remplacer le déni et les méandres obscurs des récits de sa mère.
Une Santé de fer utilise les ressort de l'humour pour dénoncer à la fois les travers de la médecine homéopathique et les ravages de l’hypocondrie. Ce roman ressemble fortement à un vaudeville dans lequel une scène d'inondation dans un appartement en serait le point d'orgue.
Le personnage de Tobias évolue au fil des pages (à cinquante ans il est temps) pour devenir un homme en proie à un véritable malaise émotionnel quand il se rend compte de la pauvreté sociale de sa vie.
Ainsi, pour sa construction rigoureuse et l'originalité du sujet traité, Une Santé de fer est une curiosité littéraire à découvrir, malgré çà et là quelques longueurs inutiles.
Ed. Métailié, mai 2019, traduit de l'espagnol (Uruguay) par François Gaudry, 208 pages, 18€
titre original : La mediana edad