Cinquante ans, âge des bilans ? Pour Arthur Mineur c'est surtout le moment de fuir et éviter d'assister au mariage de son ex-compagnon. Et si voyager lui permettait de faire le point ?
Arthur Mineur, écrivain de son état, aborde la cinquantaine en célibataire désabusé et en auteur au succès d'estime dont le nouveau roman qu'il a intitulé Swift a été refusé par son éditeur.
"c'est un roman quasi péripatéticien : le parcours d'un homme qui déambule à pied à travers San Francisco - en même temps qu'il voyage dans son passé - et qui rentre chez lui après une série de coups durs et de déceptions ; le roman mélancolique et poignant d'un homme dont la vie est faite d'épreuves ; d'un cinquantenaire, homo et fauché".Pourquoi ce refus ? Mineur est tellement centré sur lui-même qu'il ne conçoit pas que ce qu'il propose n'est peut-être pas ce que la majorité des lecteurs recherche. En plus, son ex-compagnon Freddy doit se marier et il est invité ! Mineur accepte donc les invitations qui lui sont faites aux quatre coins du monde pour échapper à la vue du bonheur des autres.
Sans s'en rendre compte tout de suite, ce voyage, ponctué de rencontres, d'attentes en transit et de déboires, sera finalement le copié-collé de son roman. le Swift fictionnel laisse la place à son jumeau réel : Arthur Mineur.
"Son Swift n'est pas un héros. C'est un imbécile".Se dit-il au bout du compte. Mais que de pays et de chemins parcourus pour en arriver à cette conclusion ! Mineur se souvient de ses amours, de son parcours et de ses choix. La cinquantaine arrive à grands pas et il va bien falloir l'affronter malgré les progrès acquis.
"Vers la quarantaine, tout ce qu'il a réussi à acquérir, c'est une relative estime de soi, une peau semblable à celle d'un bernard-l'ermite : transparente et molle. Il n'est plus atteint par une critique médiocre ou un affront vraiment blessant - mais un chagrin d'amour, un véritable chagrin, celui qui brise le cœur, voilà ce qui peut percer la fine couche de sa peau jusqu'au sang".Arthur Mineur est un génie incompris ou un perdant sublime, au choix. Andrew Sean Greer joue sur les deux tableaux, façonnant ainsi un personnage principal plus complexe qu'il n'y paraît. Ses tribulations sont à son image : une suite d'aventures plus ou moins agréables comme la vie en est remplie.
Les Tribulations d'Arthur Mineur, Prix Pulitzer 2018, fait penser au Monde selon Garp (Points Seuil) de John Irving par la poésie du désespoir qui s'en dégage mêlée à une volonté de légèreté imprégnée par un ton souvent humoristique. Ainsi, cet anti-héros devient touchant.
Ed. Jacqueline Chambon, janvier 2019, traduit de l'anglais (USA) par Gilbert Cohen-Solal, 252 pages, 22€
Titre original : Less