Marie aime Paul depuis de nombreuses années. ils ont quatre enfants désormais adultes et une vie de privilégiés. Paul, après avoir occupé le poste de Premier Ministre annonce à sa famille qu'il se présentera aux primaires de son parti en vue des élections présidentielles.
Et il peut compter sur le soutien des siens. Marie est une épouse dévouée, toujours à l'écoute de cet homme qu'elle admire et qu'elle soutient dans tous ses choix politiques. Elle connaît les compromissions mais elles n'ont jamais altéré sa qualité de vie et n'ont jamais perturbé celle de ses enfants.
"Nous vivons de Paul et par Paul. C'est lui qui arrache notre part de rêve, de gloire et d'étoiles".Au fil du temps, elle a appris à être une femme publique, ne trahissant rien que ce soit dans les paroles ou dans les expressions du visage afin de ne pas devenir la cible préférée des médias.
"Le temps m'a aidée à fabriquer un univers dans lequel je clos ma pensée et je fige mon visage. A l'intérieur, bouillonnent mes rêves".Malgré ses diplômes et sa fine connaissance de la langue russe, Marie a laissé sa carrière de côté pour favoriser l'ascension politique de Paul. Comme les élections approchent, elle écrit tout son ressenti au jour le jour dans un carnet. Au début, Marie réaffirme son appartenance à un milieu privilégié avec une résidence secondaire et les parties de chasse en famille. Puis élections obligent, elle réapprend l'humilité jusqu'à l'éclatement de deux scandales successifs : Paul la trompe et il a caché de l'argent à l'étranger.
Marie s'effondre, lentement, en silence.
"Après, la vie recommence à glisser sur moi, sur ma peau, sur mon âme jusqu'au coin de mon estomac qu'elle mord et qu'elle pince".
"Puis, comme tous les trahis, j'ai pris ma douleur avec moi et la chambre d'amis".Elle va devenir la proie des médias tout en essayant de sauver sa famille. De toute façon, est-elle vraiment prête à quitter sa vie et surtout Paul qui lui a tout apporté ?
"Alors j'ai compris que personne n'essaierait de me comprendre et que j'étais seule, enfermée dans une case bien trop étroite pour moi, humiliante. J'ai senti qu'à jamais, pour toujours, j'étais et serais la femme de Paul et rien de plus".
"J'ai l'impression d'errer en moi-même, à l'abri du sourire laconique que l'on m'a appris, dans l'attente de je ne sais plus quoi. J'ai compris tout l'abîme du mot détresse. et l'isolement dangereux qui s'y colle".
Dans Première Dame, Caroline Lunoir dresse le portrait ambigu d'une femme qui se redécouvre moralement le temps d'une campagne présidentielle. Marie est tour à tour cynique, passionnée, dévouée, aimante malgré les trahisons et résignée.
"Je crois que j'ai aussi peur de ce que pourrait révéler mon portrait en creux. En creux. C'est terrible. C'est comme si je craignais de n'être pas qu'une femme de l'ombre, mais ... une ombre".
La critique sociale est souvent réaliste, inspirée librement des scandales médiatiques et des personnalités des femmes et hommes politiques français. Dès lors, le roman prend les allures d'une satire où on sent pointer parfois un ton ironique.
Car finalement, comment rester fidèle à soi-même dans une vie publique ancrée dans les arcanes du pouvoir ?
Ed. Actes Sud, janvier 2019, 183 pages, 18€