Pour Sara la vie s'est arrêtée il y a neuf jours quand les autorités l'ont prévenue de la disparition de son fils Jason en mission commandée en Afghanistan. Depuis, suspendue à d’hypothétiques nouvelles, elle tente de comprendre ce qui a mené son fils à incorporer les Navy Seal.
"Tu es le fruit d'une très mauvaise décision, mais tu es ce qu'il y a de plus important dans ma vie".Jason est le fruit des amours de Sara avec David de trente ans son aîné. Elle est devenue mère à vingt ans et a élevé seule son petit garçon promis à un avenir brillant, plus proche de ses parrains que de son père qui lui rend visite de loin en loin.
Et pourtant, les attentats du 11 septembre ont réveillé chez Jason son instinct patriotique. Tout comme David, il veut servir son pays, mais lui ne veut pas rester dans un bureau. Il veut de l'action, du terrain. Sa volonté et son courage le mènent tout naturellement vers le corps militaire le plus élitiste qui soit : les Navy Seal. A défaut d'intégrer la Heavy League, il intégrera la crème de l'armée.
"Cette volonté de se mettre en orbite de la terre était dans l'ADN de Jason. Commencer une formation militaire n'était pas le signe qu'elle avait espéré".
Sara n'empêche pas les choix de son fils alors qu'elle sait qu'il lui échappe et qu'ils se verront de moins en moins.. Elle écoute, évite de donner une opinion trop tranchée quand elle entend dans la bouche de Jason les mêmes discours qu'elle retranscrit dans son travail pour le Pentagone. A-t-elle failli dans l'éducation de son fils ou est-ce le fantôme de David qui prend le dessus ?
L'annonce de la disparition de Jason est un choc. Sa vie passe de l'ombre à la lumière. Des inconnus lui rendent service, des journalistes campent devant chez elle. Alors, elle court pour fuir tout cela, pour se donner de l'espoir et puis pour comprendre ce qui a bien pu mener Jason sur cette voie.
"Et comme tous les instants de la vie qui défient les diktats de la raison, celui-ci passe du choquant au théâtral en l'espace d'une heure, comme l'intrigue d'un feuilleton télé".A travers les mails imprimés de son fils, les souvenirs de ses rares visites et ses conversations avec Max l'ami blessé de Jason, Sara chemine vers la compréhension et entrevoit un Jason qu'elle ne connaît pas, un homme sûr de ses choix et non plus le petit garçon qui pouvait jouer pendant des heures avec des petites cuillères. Le récit intime se transforme. Il se mue en une réflexion sur l'engagement et les silences étudiés.
"La fin de ses premières missions, son idylle avec l'armée s'était muée en un amour durable et fidèle teinté de respect et de sens du devoir".Onze jours raconte "la dérive effrénée du chaos" de Sara ponctuée par les apprentissages de Jason dans le corps d'élite de l'armée américaine. Lea Carpenter explique comment un jeune homme issu de la vie civile devient un vrai guerrier grâce à une connaissance intime de soi. Dans le même temps, elle analyse le point de vue d'une mère vivant dans une attente sans fin, en proie à ses souvenirs.
Dans le dernier tiers, Onze jours est aussi le récit de la fin d'une attente et des retrouvailles. Par extension, il est un formidable roman d'amour maternel bien ancré dans notre société contemporaine, jamais larmoyant et surtout très bien écrit.
Un premier roman vraiment réussi.
Ed. Gallmeister, collection Americana, septembre 2018, traduit de l'anglais (USA) par Anatole Pons, 266 pages, 22€