lundi 5 novembre 2018

Le Témoin solitaire, William Boyle

Se racheter une conduite et s'y tenir c'est le défi que s'est lancée Amy après le départ de sa petite amie Alessandra. Sauf que les vieux démons reviennent toujours...


Avant c'était la tenue sexy, les bars, les beuveries, les amours avec Alessandra. Mais depuis que cette dernière l'a abandonnée pour le soleil de Los Angeles, Amy a décidé de tourner radicalement la page. Elle reste à Brooklyn, change de look, et s'investit comme bénévole à l'église de son quartier. Elle visite les personnes âgées qui voit en elle la jeune fille bien sous tous rapports, la personne sur qui on peut compter.
Dans la tête, tout n'est pas si simple. Amy culpabilise car elle aime encore Alessandra. Elle a l'impression d'être une perdante qui tente désespérément de cacher sa vraie nature aux yeux des gens. Autant l'image de Amy la sage l'apaise, autant elle sent qu'elle ne pourra plus tenir longtemps l'imposture.
"La seule différence entre les gagnants et les perdants, c'est que les perdants manquent de cran. Au lieu de saisir leur chance, ils lui tournent le dos".

Justement, c'est en suivant Vincent, le fils d'une des personnes âgées, que son quotidien va basculer. Vincent est louche, il semble avoir quelque chose à cacher. En sortant d'un bar, il se fait poignarder par une personne qu'il semble bien connaître. Amy voit tout, se tait, se terre.
Dans le même temps, son père qu'elle croyait mort réapparaît et Alessandra est de retour.
Le meurtrier de Vincent la contacte et lui propose un bien étrange marché...

Le Témoin solitaire, en l’occurrence Amy, est centré sur une héroïne en quête d'un absolu qu'elle n'arrive pas elle-même à définir. Pendant un temps, la religion a été un refuge, puis les vieux démons, inexorablement, ont refait leur apparition. Dès lors, l'auteur prend le postulat  qu'on ne peut pas renoncer entièrement à son ancienne vie.

Il y a du déterminisme dans le dernier roman de William Boyle. Le lecteur suit les pérégrinations d'une Amy malmenée par la vie et ceux qu'elle fréquente, incapable de voir et de faire confiance à ceux qui lui tendent réellement la main. "Un seul être vous manque et tout est dépeuplé" professait Lamartine dans l'isolement. Une ancienne maîtresse réapparaît et les vieux travers reprennent le dessus. La vie est vide, il est vain de croire qu'on puisse la remplir.
"C'est ça, la religion, une impasse. Tu avais réussi à en sortir quand tu étais jeune, à la mort de ta mère, mais tu es de nouveau tombée dans le piège, parce que tu cherchais à combler le vie de ta vie. Or rien ne peut combler le vide de la vie". ( Alessandra à Amy)
L'intrigue est très convenue au point qu'on tourne les pages sans vraiment s'attendre à un dénouement inattendu. Amy est un personnage perdu dans le labyrinthe de New-York, à la recherche d'elle-même, en proie à l'attraction irrésistible d'une autre vie, même s'il faut pour cela en perdre son honnêteté.
"Qu'est-ce qu'elle veut, Amy, d'ailleurs ? L'a-t-elle jamais su"?

Ed. Gallmeister, octobre 2018, traduit de l'anglais (USA) par Simon Baril, 299 pages, 22.40€
Titre original : The Lonely witness