mercredi 31 octobre 2018

Deux femmes, Denis Soula

Deux femmes touchées par le deuil vont se rencontrer le temps d'une nuit de violence et vont se reconnaître.


L'une a perdu sa cadette. Ne lui reste plus que "la grande" et toutes les deux ont du mal à réorganiser leur vie sans la petite.
"Parce que nous sommes toutes les deux, j'endosse le tablier du présent, des sourires et de la vie forcée ; je m'occupe d'elle, la nourris, la réchauffe. Ça me fait tenir debout, me cloue dans la réalité. Je ne vais pas chercher plus loin. Nous avançons lentement hors du malheur".
L'autre a fui sa famille bien bourgeoise et a été enrôlée dans les services secrets très jeune. Ces deux femmes ont fait l'expérience du deuil tout à fait différemment. On ne réagit pas de la même façon devant la mort quand on est une mère ou une tueuse professionnelle. De plus, le poids de la culpabilité est différent, insidieux. Comment continuer à vivre alors qu'il vous manque l'essentiel ?

Denis Soula donne la parole à deux femmes dont les vies sont radicalement différentes mais qui sont liées par le lien ténu de leur expérience du deuil. Parce que la fille de l'une fréquente le fils de la cible de l'autre, elles vont se rencontrer et, en peu de mots, vont se reconnaître et se comprendre. Dès lors, elles vont redessiner les contours d'une vie qui avait perdu, à leurs yeux, toute saveur.
"Je n'ai pas voulu de cela. Je n'aime plus mon métier depuis longtemps, mais je ne veux pas renoncer à la vie que je mène, à la solitude. Et je n'oublie pas que je suis une criminelle, que je troque un peu de ma peau contre beaucoup de liberté. Il n'y aura pas de retraite pour moi, seulement une disparition violente. Je me suis fait une raison".

Deux Femmes s'inscrit radicalement du côté du vivant. L'empathie effleure le lecteur mais l'écriture interpelle, interroge. C'est celle qui tue depuis des années des inconnus sur ordre de ses supérieurs qui va redonner soudain le goût de la vie à une mère éplorée qui se bat chaque jour pour ne pas sombrer.
On pourrait penser que finalement les morts sont bien tranquilles. Ceux qui restent se débattent avec leurs fantômes, leurs souvenirs et leur culpabilité.

Le lecteur est à l'écoute de ces deux femmes que tout oppose à première vue mais qui se ressemblent tant ! Elles ont grandi, aimé, souffert et se sont relevées différemment, mais ont tenu bon coûte que coûte.


Ed. Joelle Losfeld, octobre 2018, 120 pages, 12.50€