Pas facile de traduire avec des mots le silence entre un homme et sa mère. Par le biais de la fiction, Eric Fottorino raconte ou plutôt se raconte et parle enfin à celle qui lui a donné naissance à dix-sept ans et dont il a longtemps cru qu'elle était sa grande sœur.
"Le récit aurait été irrespirable, je ne veux pas être prisonnier d'une mémoire, quelle qu'elle soit. Le roman permet des digressions et la liberté d'inventer, de créer, de renaître", raconte Eric Fottorino à Sophie Daull dans un entretien pour l'Express. C'est pour cela qu'il existe onze versions de ce roman mais toutes racontent la même histoire : un narrateur qui porte un chagrin d'amour ou si peu pour celle qui a été une mère (trop) lointaine.
Pour ne plus ressentir cette impression d'être celui de trop, le narrateur part à Nice, ville où il est né et où il espère trouver des réponses à ses questions puisqu'il est incapable de les poser à sa mère. Dans la pension où il réside, il fait connaissance d'un pédo-psychiatre qui va l'aiguiller sur une meilleure connaissance de lui-même. D'emblée, il comprend mieux le poids de sa naissance. A dix-sept ans on est encore une enfant et puis la grand-mère imposait tant !"C'était plus obscur, de l'ordre du non-dit : j'étais le survivant d'une histoire trouble qui nous avait séparés, une histoire douloureuse oubliée à dessein".
"Je ne suis pas ton fils. Je suis ton fardeau".Parce que trop distante, Eric a cru que sa mère ne l'aimait pas ou pas assez. Pourtant les photos dans le salon familial prouve le contraire, comme si sa mère, à défaut de mots, étalait des portraits de lui pour lui crier son amour. Maintenant adulte, le fils manque de repères. Un père qui n'était en fait que son beau-père et qui s'est suicidé, un vrai père rencontré au soir de sa vie, une mère qui élude son histoire...
"Je ne me suis jamais mis dans la peau d'un chef de famille. J'ai manqué d'exemple, petite maman. Faute de père, tu étais mon père et ma mère. Ma mémoire me roule dans la farine. Une grande traînée blanche. Dans mon souvenir, tu n'étais ni mon père ni ma mère. Je ne sais pas qui tu étais".Dix-sept ans tente de remettre la mère au cœur de l'histoire de ce fils qui a toujours ressenti un manque maternel. Le roman tente de mettre des mots sur le passé, les non-dits, les lourds secrets.
Ce cheminement dans Nice, puis en compagnie de sa mère est une remontée dans le temps, un parcours dans les souvenirs pour enfin renouer avec le dialogue et l'apaisement.
Ed. Gallimard, août 2018, 272 pages, 20,50€