Mrs Armitage est mariée en troisième noce avec Jake, un scénariste qui connaît enfin le succès. Toujours seule, elle s'est entourée d'une nichée d'enfants, au détriment de sa vie de couple.
Quand Jake l'a épousée, elle était déjà mère plusieurs fois et comptait bien l'être encore. Son nouvel époux avait l'air d'accepter son rôle de beau-père avec sérénité. En apparence. Et même si lui-même, à son tour, devint père, il laissa à son épouse le soin d'élever les enfants.
La nouvelle notoriété de Jake, l'argent et la solitude ont fait que Mrs Armitage se retrouve allongée dans le cabinet d'un psychologue à raconter son vague à l'âme. Jake fuit le domicile familial, et depuis son étrange relation avec Philpot la dame de compagnie des enfants, la narratrice a des doutes sur sa fidélité.
Pendant longtemps elle a cru que porter et mettre au monde tissait un lien indéfectible avec le père de l'enfant. Sauf que maintenant, un peu de dépassé par les événements - car ils ont six enfants - le couple part à vau l'eau, et Jake ne cache même plus qu'il exècre sa vie de famille. Quant à la narratrice, elle a l'impression de devenir folle.
"Et maintenant, complètement épuisée, je me demandais si j'étais en train de devenir folle. La folie commence-t-elle ainsi, avec cette terrible sensation de perte qui me donnait à croire que tout le monde était mort"?Alors Mrs Armitage est souvent seule, trop seule, à ruminer sur son existence, ses choix, et l'avenir. Seulement cet avenir lui semble bien flou. Certes, ils font bien construire une tour sur leur colline qui sera leur refuge d'amoureux loin des enfants, mais elle n'y croit plus vraiment. Cette vie qu'elle a voulue et qu'elle s'est construite avec le temps lui paraît désormais bien étouffante. Et si une nouvelle maternité lui permettait de sortir de la dépression et de reconquérir son époux toujours plus distant et froid ?
"Il est impossible, je le sais d'expliquer ce qui se passa entre Jake et moi. Nous ne nous aimions pas comme s'aiment la plupart des gens. (...) Jake est un violent déguisé sous des dehors paresseux. (...) Son énergie indestructible, son agressivité, son ambition, sa cruauté, son parfaitement dissimulées".Au fil des pages, le lecteur comprend que Jake est le nœud du problème. Son égoïsme, son égocentrisme, et la certitude qu'il ne doit rien car il fait bouillir la marmite font plonger son épouse dans la tourmente. Peu à peu, elle comprend cela, accepte en apparence les règles du jeu pour mieux s'émanciper.
"C'est sans doute à ce moment là que Jake et la vie se confondirent dans mon esprit jusqu'à devenir inséparables. L'homme qui dormait à côté de moi n'était plus accessible et je ne pouvais plus l'aimer. Il prit des proportions monstrueuses : il fut le ciel, la terre, l'ennemi, l'inconnu. C'était de Jake que j'avais peur ; c'était Jake qui me terrifiait ; c'était Jake qui finirait pas survivre".
Le Mangeur de citrouilles est la confession d'une femme, d'une épouse et d'une mère au bord de la crise de nerfs. Longtemps, elle s'est crue forte, protégée par ses maternités à répétition. Maintenant que les enfants grandissent, un sentiment de vide et d'inutilité la saisit et son époux ne désire pas le combler. Dès lors, le récit se pare d'une dimension tragique. le lecteur devient le témoin d'un couple qui se délite et ne trouve plus les arguments pour se raccommoder. Le fossé de l'incompréhension mutuelle se creuse, emportant au fond une femme fragile et de plus en plus complexée. Au-delà des tourments de Mrs Armitage, on comprend alors que Penelope Mortimer s'est fait la voix de toutes les femmes qui souffrent dans leur couple et dans leur vie.
Ed. Belfond, collection Vintage, avril 2018, traduit de l'anglais par Jacques Papy, 256 pages, 16€
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