mercredi 7 mars 2018

Tyrannie, Richard Malka

"Docere, delectare, movere. Instruire, plaire, émouvoir ; Les trois règles de la Réthorique selon Cicéron", et règle d'or de l'avocat Raphaël Constant, ténor du barreau de Paris et avocat d'Oscar Rimah, un pédiatre réfugié en France qui comparaît pour meurtre.

En tuant un membre de l'ambassade d'Aztracie en France, Rimah a voulu dénoncer le régime qui sévit dans son pays natal, dirigé d'une main de fer par Isidor Aztri.
"Les Rimah furent décimés quand les fondamentalistes aztrides accédèrent au pouvoir par les urnes. Leur première décision fut de rebaptiser leur pays "Aztracie" du nom de leur idéologie, tout à la fois religieuse, philosophique et politique".
Sa défense s'avère compliquée car le seul moyen d'obtenir l'acquittement est de plaider la folie au moment des faits. Or Rimah est tout sauf fou, et il désire que son procès devienne la tribune de ce qui se passe dans son pays, car aux yeux du monde entier, l'Aztracie devient de plus en plus un pays modèle, et non un Etat qui bafoue les libertés les plus fondamentales.
"Je n'avais plus aucune volonté. Engagé sur le chemin de la trahison de soi-même, il importe peu d'aller toujours plus loin. Je pouvais bien assumer le service après-vente du pire puisque je l'avais déjà commis".
Quand le régime a décidé de mettre en vigueur sa mesure phare, elle a demandé le soutien du pédiatre renommé Oscar Rimah. Il a refusé, puis après avoir subi de nombreuses menaces, il a obéi. Dès lors, il a décidé de prendre le chemin de l'exil avec son épouse et ses deux enfants. Seulement, un acte ignoble l'a privé de sa famille. Seul rescapé migratoire, il a décidé de consacrer sa vie à dénoncer les exactions d'Isidor Aztri.
"Après l'élection des Aztrides, la mesure la plus décriée du nouveau régime fut le port obligatoire du cache-visage. Il s'agissait de la pierre angulaire de leur programme. Une nécessité pour créer un homme nouveau. Cette mesure enseignerait aux adultes en formation la soumission de l'ego et l'oubli de soi au bénéfice du collectif".
Peu à peu, ce n'est plus la condamnation d'un homme qui se joue, mais c'est le procès de l'aztracisme, une dictature au service d'un seul homme, isolé et mégalomane, dont le traumatisme vécu durant son enfance a fait de lui le dirigeant qu'il est aujourd'hui.
Pour défendre ce régime autoritaire, Edouard Chenon, un des meilleurs avocats aussi du barreau de Paris. Peu importe ce qu'il défend, du moment qu'il gagne et qu'il brille.
"Un acquittement serait une monstruosité philosophique, éthique, juridique."
Les joutes oratoires se succèdent, mais Constant est de moins en moins confiant depuis qu'il fréquente assidûment une jeune aztride dont il ne connaît rien mais dont il devient amoureux lui l'homme qui avait renoncé à toute forme d'attachement. Grâce à Amalia, il peut peaufiner sa défense tout en sachant qu'il joue un jeu dangereux.
 "Elle décrivit la naissance d'une dictature qui achetait l'adhésion de ses classes populaires en améliorant leur condition par des mesures qui finiraient par les affamer. Elle craignait le génie d'Isidor Aztri qui avait redonné une fierté à son peuple dont il satisfaisait le besoin de transcendance".

Néanmoins, il est bien décidé à sauver Oscar Rimah.
"Son procès dévorait Raphaël. L'avocat respirait, se nourrissait, dormait, se réveillait pour son client".
 Premier roman d'un avocat de profession,  Tyrannie est le procès d'un homme et d'une dictature. Au delà des événements propres au procès, s'ajoutent l'histoire d'Isidor Aztri et l'aventure amoureuse de l'avocat de la défense. Bien sûr tout est lié. Par une habile alternance des chapitres, Richard Malka tient le lecteur en haleine jusqu'à l'épilogue. Enfin, ce texte est aussi la description fort intéressante du déroulement d'un procès aux assises, avec tous les enjeux qui s'y jouent, le jury qu'il faut amadouer et les professionnels du tribunal avec lesquels il faut composer, et enfin la presse qu'il faut savoir utiliser habilement.

Ed. Grasset et Fsquelle, janvier 2018, 400 pages, 22€