Titre original : Risen
Au delà de l'intrigue, c'est avant tout un roman sur les choix que l'on prend et qui déterminent votre vie.
"Dans la vie, on fait des choix, et il faut accepter les conséquences de ces choix", répétait souvent le grand-père de Bill et Eugene, père de substitution des deux gamins depuis qu'ils ont perdu leur papa dans un stupide accident de chasse. Médecin en ville, c'était un homme robuste, droit, froid et craint de tous, loin du cliché de l'aïeul bienveillant envers ses petits-enfants. Parce qu'elle a voulu protéger ses garçons de la précarité, leur mère a accepté que son beau-père prenne en main leur éducation et trace pour eux leur avenir. Bill sera chirurgien, tandis qu' Eugene fera des études de lettres.
1969, Caroline du Sud. L'été est fait de chaleur, de bains et de pêche dans les lacs voisins. La radio locale passe des classiques de country, et on attend tranquillement la prochaine rentrée scolaire. A Sylva, le mouvement hippie ressemble à une vaste rumeur urbaine. De toute façon, tout ce qui est nouveau est forcément un événement.
"La contre-culture était quelque chose qu'on ne voyait qu'à la télévision, tout aussi exotique qu'un pingouin ou un palmier nain. En ce mois de juin, les seuls petits signes de changement étaient deux ou trois étudiants de l'université de Caroline du Nord revenus de Chapet Hill pourvus de chevelures plus broussailleuses".Quand une jeune fille inconnue apparaît devant les yeux des deux frères en train de nager dans un bikini vert minimaliste alors qu'ils sont en train de pêcher, Eugene et Bill s'empressent de vouloir faire sa connaissance. Elle s'appelle Ligéia, elle est en vacances "forcées" chez un oncle, placée par ses parents après une fugue de quelques mois dans une communauté hippie.
Ligeia incarne la nouveauté, la sensualité et le danger. Elle comprend très vite qu'elle plaît aux deux frères et décide de les mener par le bout du nez. Bill se reprend vite, - fiancé déjà - , mais Eugene se laisse guider par les chants de cette "sirène enjôleuse". Pour elle, il va voler des médicaments dans la réserve de son grand-père, et commencer à boire plus que de raison...
Quarante-six après, on retrouve Bill au sommet de sa carrière de neurochirurgien, tandis qu' Eugene noie son mal être et sa culpabilité dans l"alcool.
"Ton frère est un type bien. Combien de fois, au fil des ans, n'ai-je pas entendu dire ça, teinté d'une condamantion de ma personne, parfois subtile, ou parfois plus directe ? Toujours le meilleur frère. Mais à présent, tout semble sans dessus dessous".Ce dernier a vite mis un terme à sa carrière d'écrivain et passe désormais ses journées à boire et à tenter d'oublier qu'il a failli tuer accidentellement sa propre fille. Ligeia est un lointain souvenir qui aurait pu être le plus doux des souvenirs si elle n'avait pas disparu sans laisser de trace. Or, la découverte d'un corps dans le lit de la rivière de Sylva ravive des circonstances douloureuses, surtout lorsqu'il est identifié comme étant celui de Ligeia.
Par le vent pleuré, vers de Thomas Wolfe, aurait pu être un polar à rebours où quatre décennies après un meurtre, on tente de retrouver l'assassin. Ron Rash utilise cet événement dramatique pour en faire le fil conducteur d'un récit beaucoup plus profond ravivant l'opposition entre deux frères entamée à la fin de leur adolescence. Même absente, Ligeia continue de guider les destins de ces deux hommes : Bill tente d'oublier son passé en menant une vie exemplaire et altruiste, tandis qu'Eugene la réincarne encore et encore dans son esprit embrumé.
Quand l'heure des explications a sonné après la découverte du corps de la jeune fille, la confrontation entre Bill et Eugene a des résonances bibliques, mettant à jour les véritables personnalités de chacun et déterrant les secrets les plus inavouables.
"Versatilité, calcul, plus un sentiment de supériorité, et un autre élément encore - le désespoir. Ce qu'était prêt à faire mon frère, à vingt et un ans, s'il pensait que Ligeia menaçait l'avenir qu'il envisageait, en particulier celui auprès de Leslie".