vendredi 25 août 2017

Ils vont tuer Robert Kennedy, Marc Dugain

Ed. Gallimard, août 2017, 400 pages, 22.50 €

A travers la destinée de Robert Kennedy, l'enquête d'un homme sur la mort de ses parents, personnages secrets et distants, disparus dans des circonstances mystérieuses.


Pour Mark O'Dugain, la disparition de ses parents, sa mère d'abord, puis son père ensuite, a toujours été un mystère. Classés comme un suicide et un accident automobile, il reste persuadé que tout cela a été maquillé et que la décision de leur mort a été prise par des instances supérieures.
Son père était un psychiatre spécialiste de l'hypnose et il est décédé presque au même moment que le président américain Kennedy. Associer les deux décès est un pas que le narrateur franchit allègrement, et pour étayer sa conviction intime que sa famille a été en contact avec l'entourage des Kennedy, il décide d'en faire un sujet de thèse.
Cette enquête va lui prendre toute sa vie et quelques allers-retours en France où son père a d'abord exercé pour ensuite quitter le pays précipitamment. Couple secret, ses parents ne lui racontaient que peu de choses, et certainement pas les raisons pour lesquelles ils ont décidé de refaire leur vie en Colombie-Britannique, à Vancouver.
 Mark, orphelin durant son adolescence, a fini de grandir entre les souvenirs de sa grand-mère, et les bribes de souvenirs avec ses parents, sachant que leur relation était maladroite, chacun n'arrivant pas à exprimer ses sentiments. Peu à peu, il se convainc ainsi qu'aucun des deux ne possédait un profil à vouloir mettre fin à ses jours.
"Les allusions de l'adolescence me poussaient à croire que j'hériterais de cette complicité qu'il réservait à ma grand-mère, mais quand j'eus vraiment l'âge d'y prétendre, il ferma la porte comme s'il craignait qu'une proximité entre nous ne me conduise un jour à souffrir. Il restait au seuil de lui-même, et l'idée que d'autres y pénètrent à sa place lui était intolérable".

En parallèle de cette quête intime et un peu folle, le narrateur travaille sur les conséquences de l'assassinat de JFK, l'enquête bâclée, mais surtout sur le profil du frère du président, Robert Kennedy, alors ministre de la Justice. Ce dernier, convaincu que lui aussi disparaîtra dans des circonstances violentes, entame une course vers la Maison Blanche pour les élections de 1968. Robert Kennedy est un dépressif chronique, qui culpabilise sur la nature de la richesse familiale. Son père, Joe Kennedy, a fricoté avec la pègre pour bâtir sa fortune, faisant des malfrats les plus connus des amis que ses deux fils ont décidé de faire tomber.
Au fur et à mesure que sa thèse sur Robert Kennedy avance, Mark revisite l'histoire des Kennedy et - forcément- trouve des indices qui corroborent sa théorie selon laquelle son père avait une vie professionnelle cachée et en relation avec la puissante famille. Seulement, à force de chercher la vérité, le narrateur sombre dans une forme de paranoïa. Dès lors, c'est au lecteur de choisir le chemin le plus plausible.
"Je suis persuadé que Bobby, quand il se décide à se présenter à la présidentielle de 1968, sait qu'il va mourir, qu'il n'a aucune chance de monter la dernière marche. Et pourtant il y va. Voilà un homme qui est le chef d'une tribu irlandaise, marié , père de onze enfants, dont le frère a été assassiné cinq ans plus tôt et qui vient d'assister au meurtre de Martin Luther King. Je veux démontrer qu'il savait qu'il allait être assassiné et que malgré cela il a décidé de s'engager dans les primaires".

Le dernier roman de Marc Dugain est un ouvrage puissamment documenté qui permet de donner un aperçu du pouvoir dans les années 60 aux Etats-Unis, ainsi que tout ce qui était en jeu au moment de l'assassinat de JFK. Ils vont Tuer Robert Kennedy établit un portrait touchant du personnage éponyme, faisant de cet homme que tout le monde croit fort et intègre, un homme rempli de contradictions et de peurs. Quant à l'intrigue, à force de chercher et d'établir des preuves, le lecteur finit par croire l'ahurissante vérité sur le secret familial pesant sur les épaules du narrateur.
"Bobby trouve dans la tragédie grecque le confort de l'écho. Toutes les arrogances trouveront une moisson riche de larmes. Rien dans nos vie n'est original. Tout ce que nous vivons l'a déjà été, par d'autres, dans d'autres circonstances. Certains l'ont même rapporté. Il en est ainsi des tragédies grecques. Cette formalisation poétique de son mal l'apaise".