"On est comme un pays sans histoire"
Hiver 1918. Les jumeaux Luke et Matt sortent de l'école et sont surpris par le blizzard en plein chemin. Ils font demi-tour et se réfugient auprès de leur maîtresse, Linda. Il est trop tard, Luke ne survit pas.
"Les heures qui avaient emportées son père et son frère, et qui avaient livrées Matt à une femme adulte avant qu'il en ait l'âge - il apparaissait à sa conscience que les premières constituaient le châtiment des suivantes, et que son père, son frère et sa mère étaient les victimes innocentes du coup porté à l'aveuglette par un dieu courroucé - l'oppressaient comme une nuit polaire longue de six mois. Pourtant, Matt ne trouvait rien à reprocher au pays qui était à l'origine de ses tragédies".
Pendant ce temps, leur père, lui aussi, disparaît dans la nature alors qu'il recherchait ses fils. Ainsi Matt devient le seul homme de la famille, et à quatorze ans, c'est trop, surtout que sa mère préférait son frère.
Au début, il tente de gérer la ferme, réussit plutôt bien, tout en cherchant le corps de son père. Pour l'accompagner, une jeune fille de son âge, Wendy, dont il tombe secrètement amoureux, mais cette dernière le rejette maladroitement.
Alors, Matt comprend que sa place est ailleurs. Il part à l'aventure, se loue comme journalier, vit au jour le jour, jusqu'à ce qu'il rencontre Jarms, fermier lui aussi, qui a élevé seul son fils Horace, un bon à rien seulement capable de dépenser de l'argent au poker. Jarms voit en Matt le fils qu'il aurait aimer avoir. Matt reste à ses côtés, s'occupant de la ferme et développant une vraie amitié avec le vieil homme.
"En matière d'emploi, il insistait sur une condition : il devait être autorisé à travailler tous les jours. une fois engagé, il se consacrait à n'importe quelle besogne, comme si le travail avait été une femme qu'il avait aimée, puis perdue avant de la retrouver à nouveau".
Pendant ce temps, sa mère a accueilli Wendy et Linda auprès d'elle et toutes les trois, tentent de reformer un noyau familial. Mais rien n'est simple, surtout que Linda a un petit garçon, Lucky, plutôt sauvage, habité de la certitude qu'il est là pour les protéger des étrangers, et que plus tard, il pourra aimer Wendy. Jusqu'au jour où Matt décide de revenir chez lui, et il n'a jamais oublié Wendy...
Le décor est posé. Dans les romans Nature Writing, on parle de grands espaces, de belles amitiés, de vengeances qui traversent les années, et de la nature qui donne et retire à ceux qui dépendent d'elle. L'Heure de plomb ne faillit pas à la tradition et ajoute la vocation d'être un roman familial. Le lecteur grandit et mûrit avec Matt Lawson, traverse les épreuves, tente de comprendre ses sentiments entremêlés surtout quand il s'agit d'amour. Au fil des pages, on aime ce héros malgré lui, son côté bourru et sa loyauté à toute épreuve.
De fait, on se rend compte que Bruce Holbert a le sens de la narration. Il tient son histoire du début à la fin, et a créé des personnages secondaires complexes qui donnent de la dimension à l'ensemble.
L'Heure de plomb est un très bon roman, maîtrisé, qui ne décevra pas les amateurs du genre.