Ed. Gallimard, janvier 2016, traduit de l'anglais (USA) par Clélia Laventure, 384 pages, 21 euros.
Les lecteurs qui connaissent et apprécient la filmographie de David Cronenberg ne seront pas déçus. Consumés est un condensé des obsessions et des visions de l'auteur relayées de film en film. Tout y est : vision du corps martyrisé, mutilé ou dégradé, ambiance malsaine, sexualité déviante, le tout baignant dans un univers high-tech au service de l'assouvissement des névroses.
Mais Consumés est aussi un roman qu'on peut qualifier de policier, même si les protagonistes mènent une enquête en rien officielle. Le duo amis/amants Nathan et Naomi parcourt le monde à la recherche de sujets trash qui leur fourniront de la matière pour vendre leurs articles à sensation. De passage à Paris, Naomi s'intéresse au meurtre de Célestine Arosteguy, qui, avec son époux Aristide, formait un couple de philosophes en vue. La victime a été tuée et son corps a été découpé en morceaux et consommé.
Dans le même temps, Nathan est à Toronto, auprès du Docteur Roiphe, découvreur de la maladie vénérienne qui porte son nom et que Nathan a contractée, suite à une relation sexuelle avec une cliente atteinte d'un cancer en phase terminale.
Nathan et Naomi ne perdent jamais le contact. Cronenberg n'hésite d'ailleurs pas à refaire, dans chaque chapitre, l'inventaire des outils technologiques derniers cris en leur possession pour communiquer ou prendre des photos en gros plan de meilleure qualité. A force, on pourrait même penser que les reporters forment les candidats idéals pour une pub Apple...
Après avoir compilé les informations trouvées sur le net et celles glanées ça et là par des proches du couple Arosteguy, Naomi s'envole vers le Japon où se cache un Aristide soupçonné du meurtre de sa femme. Là, elle va côtoyer un homme que certains diront fou, d'autres brillant, capable de l'extrême au nom de l'amour et obsédé par un livre de Roiphe intitulé Consumés : de curieux antécédents médicaux.
Ainsi, alors qu'ils sont sur deux continents différents, leurs investigations se rejoignent, surtout quand Nathan découvre que la fille de Roiphe, Chase, a bien connu les Arosteguy ...
Dans Consumés, on ne fait pas l'amour, mais on baise, car l'acte sexuel est un moyen, jamais une fin. Le spectre de l'apotemnophilie (désir d'amputation) n'est jamais bien loin, et il est relié à l'obsession de la vieillesse. Alors que la première moitié du roman propose une intrigue certes linéaire, mais bien menée, la seconde moitié du récit pâtit d'exagérations qui mettent à mal la cohérence et la vraisemblance de l'intrigue. L'influence d'un film nord-coréen à propos de la culture des insectes sur la névrose de Célestine Arosteguy est tirée par les cheveux. Cronenberg explore des pistes très intéressantes qui sont ensuite abandonnées au profit du glauque et du malsain.
Premier roman du cinéaste, on retrouve tout ce qui fait son univers : sexe, meurtre, et autres déviances, ainsi que la passion dévorante pour les dernières technologies numériques. Finalement, l'écriture lui permet de prendre des libertés difficiles à montrer au cinéma, mais n'apporte rien de bien nouveau lorsqu'on connaît l'univers de l'auteur.
A noter, la traduction de qualité de Clélia Laventure qui rend facilement lisible et digeste un récit qui s'éparpille parfois.