Confrontation
Chacun des camps est bien établi: d'un côté, la zone libre, établie à Boulder (Colorado) où chaque jour des groupes de survivants viennent rejoindre la communauté de Mère Abigaël; de l'autre, la communauté de Randal Flagg, pas si différente que ses ennemies à première vue, sauf que ses occupants vivent dans la terreur des représailles du chef. Il y fait régner ordre et organisation, et les rebelles payent le prix fort lors de séances de crucifixions publiques. Flagg rassemblent un maximum d'armes, aidé de La Poubelle, afin d'attaquer en force le groupe de la centenaire.
Ce tome 2 est résolument tourné vers Flagg et l'influence qu'il peut avoir auprès des hommes perdus et influençables. Ainsi, Harold, repoussé du conseil de la zone libre, se laisse charmer par la possibilité d'être un autre à Las Vegas. Nadine Cross, l'institutrice, se plaît à croire qu'elle est l'élue de Flagg et portera son enfant. Enfin, Lloyd, celui qui a failli mourir de faim en prison, se refuse à croire que son patron a des faiblesses.
Car, oui, Flagg a peur. Il sent qu'il a sous-estimé la puissance de l'autre camp. Certes, cette force n'est pas armée ou peu, mais elle tire son énergie d'un sentiment tout à fait inconnu par le cow-boy: l'espoir. "Le dernier magicien de la pensée rationnelle" ne peut rien contre cela, et son œil noir est incapable de voir dans l'esprit des gens simples...
Stu Redman, Nick Andros et les autres sentent que la confrontation est inévitable. Cependant, ils préfèrent envoyer des espions à pied vers la cité du jeu afin qu'ils rapportent des informations cruciales. Parmi eux, Tom Cullen, le compagnon de route d'Andros, le doux gentil attardé. Sans le vouloir vraiment, il incarne le danger numéro 1 de Flagg, car il ne peut lire dans ses pensées. "Celui qui est sans être" est l'incarnation de l'espoir.
"La folie religieuse a ceci de merveilleux qu'elle peut tout expliquer. Dès lors qu'on accepte Dieu ou Satan comme cause première de tout ce qui survient dans le monde mortel, rien n'est plus laissé au hasard (...) La folie religieuse est l'un des rares moyens infaillibles de faire face aux caprices du monde, car elle élimine totalement le simple accident."
Dans un monde détruit par la folie des hommes, Stephen King pose le postulat de l'éternelle influence de la religion sur la raison. Quand le rationnel atteint ses limites, le religieux prend le relais, rendant ainsi aveugles ceux qui cherchent désespérément une cause à chaque chose. Ainsi, ce second tome du Fléau devient une vaste métaphore de la Bible, Flagg étant l’incarnation du démon:
"Il ressemble à tous les gens qu'on voit dans la rue. Mais, quand il sourit, les oiseaux tombent morts des fils de téléphone (...) Il est venu du temps. Il ne se connaît pas lui-même. Il porte le nom d'un millier de démons (...) Il s'appelle légion. Il est le roi de nulle part."
Heureux les simples d'esprit! Tom Cullen est l'incarnation du Messie de la zone libre. S'il était intelligent, il pourrait dire: veni, vidi, vici. A lui tout seul, il prouve que l'ignorance de la religion et des pensées spirituelles ont raison du Mal.
Avec Le Fléau, l'auteur donne toute la mesure de son talent imaginatif et sa vocation à dresser des portraits au plus près des natures humaines existantes qui nous sont offertes. Il raconte l'éternel choix entre le Bien et le Mal, et le fait que, qu'on le veuille ou non, l'être humain est un éternel nomade.
Mon article sur le tome 1: http://virginieneufville.blogspot.fr/2015/01/le-fleau-tome-1-stephen-king.html