Drôle d'affaire au Mali
On retrouve les policiers Habib et son adjoint Sosso déjà rencontrés dans Meurtre à Tombouctou. Cette fois-ci, ils sont appelés à Kita, la ville natale de Habib, pour prêter main forte au commissaire local Dembélé et son adjoint un peu trop sûr de lui, Sil.
L'enquête s'avère extrêmement compliquée. Depuis quelques temps, des cadavres de sans domicile fixe sont retrouvés décapités, et leurs têtes restent introuvables.
Au Mali, on a vite fait d'accuser les esprits, et même si nos policiers veulent rester cartésiens, ils vont devoir affronter les croyances locales et animistes véhiculées par les habitants.
"Regardez la dérive de notre cité. Tout le monde ne parle que d'argent, tout le monde ne pense qu'à l'argent. L'argent achète tout désormais et nos filles vendent leur corps. Nos ancêtres n'ont-ils pas raison? Ne sommes-nous pas devenus indignes d'eux? Alors, ils sont décidés à nous tourner le dos et à nous laisser aux mains de mauvais génies tant que nous n'aurons pas retrouvé le droit chemin. Nous souffririons beaucoup et longtemps si leur colère ne s'apaise pas. Il faut donc d'ici trois jours nous reconnaissons nos torts et que nous leurs présentions nos excuses."
Parce qu'Habib connaît bien la mentalité de son peuple, il ne l' affronte pas et préfère enquêter dans son coin sans discréditer pour autant les rumeurs les plus folles. Ainsi, il fait croire que "le Diable qui corrompt les âmes" fait aussi partie des tueurs potentiels de ces pauvres malheureux. La modernité, l'argent peut faire tourner la tête à n'importe qui finalement.
Or, l'affaire prend une toute autre tournure quand l'adjoint Sosso est victime d'une tentative de meurtre. Désormais, il est évident qu'il y a une taupe dans l'enquête et que cette dernière est prête à tout pour que les policiers ne découvrent pas la vérité.
"Trois cadavres décapités en trois jours, était-ce seulement pensable? On eût dit un scénario de film d'horreur ou un conte macabre. Les paroles du devin Doumbia résonnèrent de nouveau dans sa tête."
La pression des habitants est de plus en plus forte et les esprits s'échauffent, au point que même les étudiants se révoltent dans les rues...
Il va falloir qu'Habib prouve que l'irrationnel n'explique pas tout et que ces meurtres sont perpétrés par un véritable tueur et qu'un mobile existe.
Cette nouvelle enquête plonge encore une fois le lecteur dans un dépaysement total. Les méthodes policières, notamment les interrogatoires, n'ont vraiment rien à voir avec les méthodes européennes, et nous réservent quelques moments très drôles.
En filigrane, c'est la société malienne et la cohabitation des ethnies qui est mise en évidence, ainsi que la religion. A Kita, on a beau être musulman, les croyances animistes ont encore de beaux jours devant elles. Moussa Konaté écrit un pays confronté entre le choc de la modernité et la subsistance des traditions.
Malgré la violence des meurtres, on ne sombre jamais dans le sanglant. La narration privilégie l'humour, le tâtonnement de l'enquête et la complexité des personnages. On aime ou on n'aime pas, mais la finesse d'écriture ne peut pas laisser indifférente.
A découvrir.