TOME 1
1Q84 commence comme un roman bien ancré dans la réalité… sauf que chez Murakami, l’exception mérite d’être signalée. En effet, il faut attendre le dernier quart de ce premier tome pour retrouver l’ambiance surréaliste chère à l’auteur. Avant, grâce à l’alternance des chapitres, le lecteur suit le quotidien de Tengo, professeur de mathématiques et écrivain à ses heures perdues, embauché par son ami éditeur pour remanier le manuscrit d’une gamine de dix sept ans, pépite littéraire mais bizarrement dépourvu de style, ainsi que celui de Aomamé, jeune fille bien sous tous rapports, prof de stretching et tueuse à gages de temps en temps. Insidieusement, au fil des pages, leurs destins semblent être liés. Pourtant, Aomamé, se rend compte que son environnement change : lunes doubles, faits de société dont elle n’a jamais entendu parler et qui, semble-t-il, ont marqué les esprits, policiers aux uniformes changeants… De ces variations appelées « changement d’aiguillage », elle décide d’appeler ce nouveau monde dans lequel elle semble vivre 1Q84 au lieu de 1984. Lui reviennent alors les paroles du conducteur de taxi qui, au début du roman, lui conseillait de prendre un raccourci pour éviter les embouteillages :
« si
vous faites cela, il n’est pas impossible que le paysage vous paraisse
chaque jour un peu différent de celui de tous les jours. Mais il ne faut
pas se laisser abuser par les apparences. La réalité n’est toujours
qu’une. »
Dès
lors, par l’intermédiaire d’une de ses veilles clientes, Aomamé va
entrer dans ce monde étrange où se côtoient une secte des Précurseurs,
des Little People (rien à voir avec les jouets) et des chèvres aveugles.
Et c’est au moment où la jeune fille accepte ce sort, que le récit
bascule franchement.
Murakami est le pendant en littérature de ce que David Lynch est au septième art : un orfèvre dans l’imagination et le contenu, mais très opaque en ce qui concerne la compréhension immédiate. Et c’est, ce qui fait la richesse de cette œuvre, sa capacité à faire entrer le lecteur dans un « non-sens » sans pour autant en sentir une certaine frustration. Cette fois-ci, Murakami prend son temps. Il prépare le lecteur à un monde nouveau, tout en se permettant quelques opinions sur les mouvements sectaires et les prix littéraires. Ainsi, la lecture du tome 2 et celui du tome 3deviennent indispensables car ils sont ceux qui détiennent normalement l’explication de toutes les zones d’ombre de ce tome 1 magnifique.
« Il faut faire attention dans la forêt. Car au fond de la forêt, c’est le monde des Little People. »
Le tome 2 procure les clés pour ouvrir les portes d’une compréhension future. Les assises sont solides, le récit reste cohérent, mais il peut dérouter celui qui n’est pas habitué à la prose et à l’univers de l’auteur japonais. On sent que rien n’est laissé au hasard. Même la Sinfionietta de Janacek que Aomamé écoute au début du livre 1, revient titiller les oreilles de la jeune femme à un moment décisif de son parcours. Finalement, il faut considérer ce tome 2 comme un Murakami « pur jus », peut-être aussi le plus énigmatique de son œuvre.
1Q84 est le monde du possible dans lequel, « en réalité, le temps n’est pas rectiligne. Il n’a même aucune forme. C’est quelque chose, qui, dans tous les sens du terme, ne possède pas de forme ». Il ressemble étrangement au monde de Fukaéri, à l’origine du manuscrit de La Chrysalide de l’air, et qui parle de façon étrange. Sans qu’on sache vraiment pourquoi, elle disparaît subitement du récit, laissant derrière elle des énigmes, des allusions, ou des vérités lacunaires telles celles des Little People.
Ce livre 3 est censé donner des réponses aux questions soulevées dans les deux livres précédents. Or, force est de constater que l’onirisme l’emporte. Le récit est construit de telle manière qu’une seule lecture, même très attentive, ne fournit pas toutes les clés de l’histoire. Tengo et Aomamé sont les garants de leur propre réalité, si bien qu’ils ne s’étonnent plus des phénomènes étranges dont ils sont les témoins récurrents. Finalement, l’année 1984 existe-t-elle vraiment ? La mise en avant du détective Ushikawa ne permet pas d’éclaircir la trame qui, au fil des pages, devient de plus en plus opaque. Des questions demeurent, des doutes subsistent.
1Q84 reste l’œuvre la plus hermétique de Murakami. Les répétitions, les temps morts ne permettent pas au récit de prendre son envol. Le sentiment d’inertie l’emporte malgré une prose agréable et truffée de références artistiques. De ce fait, malgré une qualité littéraire certaine, ce livre 3 déçoit le lecteur pragmatique en attente de réponses.
Murakami est le pendant en littérature de ce que David Lynch est au septième art : un orfèvre dans l’imagination et le contenu, mais très opaque en ce qui concerne la compréhension immédiate. Et c’est, ce qui fait la richesse de cette œuvre, sa capacité à faire entrer le lecteur dans un « non-sens » sans pour autant en sentir une certaine frustration. Cette fois-ci, Murakami prend son temps. Il prépare le lecteur à un monde nouveau, tout en se permettant quelques opinions sur les mouvements sectaires et les prix littéraires. Ainsi, la lecture du tome 2 et celui du tome 3deviennent indispensables car ils sont ceux qui détiennent normalement l’explication de toutes les zones d’ombre de ce tome 1 magnifique.
TOME 2
« Il faut faire attention dans la forêt. Car au fond de la forêt, c’est le monde des Little People. »
Cette
phrase énigmatique symbolise l’esprit de ce tome 2 de 1Q84. On entre
dans « le monde étrange et pénétrant » de Fukaéri, Tengo et Aomamé.
Finalement, les deux lunes dominant le ciel deviennent des objets
anecdotiques comparés à ce que l’on rencontre au fil des pages. Certes,
le lecteur entre dans une vision plus globale de ce monde parallèle,
sans pour autant en comprendre toutes les subtilités.
Murakami
fait de « Chrysalide de l’air », le roman de Fukaéri, un passage entre
les deux mondes. Dépêchée pour éliminer le gourou de la secte des
Précurseurs, Aomamé va enfin comprendre les raisons pour lesquelles elle
évolue en 1Q84, et surtout, le rôle des Little People. La frontière
entre réalisme et fantastique s’estompe inexorablement. 1984 disparaît…
On sent que l’auteur renoue avec ses vieux démons : onirisme et
fantasmagorie, le tout « saupoudré » d’une réelle sensualité. Petit à
petit, le lecteur devine que la vérité est ailleurs, au delà de la
réalité communément admise.
Le tome 2 procure les clés pour ouvrir les portes d’une compréhension future. Les assises sont solides, le récit reste cohérent, mais il peut dérouter celui qui n’est pas habitué à la prose et à l’univers de l’auteur japonais. On sent que rien n’est laissé au hasard. Même la Sinfionietta de Janacek que Aomamé écoute au début du livre 1, revient titiller les oreilles de la jeune femme à un moment décisif de son parcours. Finalement, il faut considérer ce tome 2 comme un Murakami « pur jus », peut-être aussi le plus énigmatique de son œuvre.
TOME 3
Tengo, le nègre du best seller La Chrysalide de l’air,
et Aomamé, la tueuse à gages, évoluent désormais tous les deux dans le
même monde, 1Q84, reconnaissable à ses deux lunes dans le ciel.
Instinctivement, ils savent qu’ils vont enfin se retrouver et que ce
sera le début d’une nouvelle vie. Or, un troisième personnage vient
perturber le récit alterné des deux protagonistes. « Trapu, de petite
taille, les membres courts, une très grosse tête, déformée, et le sommet
du crâne tout plat », Ushikawa est un avatar du nain, personnage
récurrent dans l’œuvre du cinéaste de David Lynch, et de l’ogre des
contes pour enfants. Engagé par la secte des Précurseurs pour retrouver
la piste d’Aomamé principale suspecte du meurtre de leur leader, il se
retrouve à surveiller Tengo, sentant lui aussi que ces deux êtres sont
intimement liés. Or, même si « la ligne de partage entre le monde réel
et l’imaginaire est devenue floue », Ushikawa, lui, évolue en 1984…
Pendant ce temps, la jeune femme se cache et se plonge dans la lecture
de Proust, tandis que l’homme qu’elle aime veille sur son père mourant
« dans la ville des chats ».
1Q84 est le monde du possible dans lequel, « en réalité, le temps n’est pas rectiligne. Il n’a même aucune forme. C’est quelque chose, qui, dans tous les sens du terme, ne possède pas de forme ». Il ressemble étrangement au monde de Fukaéri, à l’origine du manuscrit de La Chrysalide de l’air, et qui parle de façon étrange. Sans qu’on sache vraiment pourquoi, elle disparaît subitement du récit, laissant derrière elle des énigmes, des allusions, ou des vérités lacunaires telles celles des Little People.
Ce livre 3 est censé donner des réponses aux questions soulevées dans les deux livres précédents. Or, force est de constater que l’onirisme l’emporte. Le récit est construit de telle manière qu’une seule lecture, même très attentive, ne fournit pas toutes les clés de l’histoire. Tengo et Aomamé sont les garants de leur propre réalité, si bien qu’ils ne s’étonnent plus des phénomènes étranges dont ils sont les témoins récurrents. Finalement, l’année 1984 existe-t-elle vraiment ? La mise en avant du détective Ushikawa ne permet pas d’éclaircir la trame qui, au fil des pages, devient de plus en plus opaque. Des questions demeurent, des doutes subsistent.
1Q84 reste l’œuvre la plus hermétique de Murakami. Les répétitions, les temps morts ne permettent pas au récit de prendre son envol. Le sentiment d’inertie l’emporte malgré une prose agréable et truffée de références artistiques. De ce fait, malgré une qualité littéraire certaine, ce livre 3 déçoit le lecteur pragmatique en attente de réponses.