samedi 22 novembre 2014

RUE DES ALBUMS (71) Mère Méduse, Kitty Crowther

Ed. L'Ecole des loisirs, collection Pastel, novembre 2014, 32 pages, 12.5 euros.

De la beauté de l'amour maternel



"Ainsi commence la vie d'Irisée dans les cheveux de sa mère Méduse."
Au bord de la mère, vit une drôle de dame. Celle que tout le village surnomme Méduse, à cause de sa très (trop) longue chevelure qui lui mange le visage et le corps, vit isolée, en harmonie avec la nature.
Certes, pour mettre au monde son enfant, deux sages-femmes sont venues l'aider, mais elle les a vite congédiées!
C'est ainsi qu'Irisée, "comme la nacre qui tapisse et protège l'intérieur de certains coquillages", grandit collée à sa mère:
"Tu es ma perle et je serai ton coquillage" pense invariablement la nouvelle maman.
Personne n'a le droit de prendre le bébé dans ses bras, personne d'autre n'a le droit de l'ouvrir à la curiosité. Cette relation fusionnelle devient vite étouffante pour Irisée qui regarde avec envie les autres enfants partir à l'école. Pourtant, Méduse fait de son mieux. Avec ses longs cheveux, elle lui apprend les lettres de l'alphabet, la protège du danger, lui raconte des récits légendaires. Autrefois cocon douillet, les longues mèches blondes sont devenues prison pour la petite fille, si bien, qu'un jour, Méduse cède: Irisée ira à l'école. Quel beau geste de la part de cette femme qui a toujours vécu seule!
Ce nouveau départ sera le déclic: et si Méduse renonçait enfin à se cacher des autres et à se protéger derrière son écran de cheveux?

En partant de la citation de Tove Jansson, femme de lettre finlandaise,  "une méduse, c'est un corps transparent avec un cœur de fleur", Kitty Crowther a écrit une très belle histoire d'amour maternel et de transmission. Les cheveux de Méduse ne sont pas des serpents comme l'éponyme de l'Antiquité, mais une solide carapace pour se protéger du monde et supporter sa timidité. Et c'est l'arrivée d'un enfant qui fendille cette armure et montre que l'extérieur n'est pas si terrible que ça.
Coté illustrations, l'auteur offre de nombreux détails de bords de mer, aux couleurs chatoyantes. Les personnages sont souvent présentés de profil et restent assez caricaturaux dans leurs expressions afin que le jeune lecteur cerne tout de suite leurs émotions.
Enfin la chevelure de Méduse apparaît comme une prison dorée au sein de laquelle on désire à la fois s'y perdre et s'en échapper.

Mère Méduse est un album qui se veut poétique et universel, qu'on prend plaisir à lire et relire.

Je le conseille vivement.

A partir de 5 ans.