mardi 18 novembre 2014

Les derniers jours du paradis, Robert Charles Wilson

Ed. Denoël, collection Lune d'Encre, septembre 2014, traduit de l'anglais (Canada) par Gilles Goullet, 332 pages, 20.5 euros.

Nous ne sommes pas seuls...

 

 Les derniers jours du paradis est une plongée en pleine uchronie. En effet, depuis la Grande Guerre 14-18, aucun conflit armé, aucune dissension politique ne semble s'être déroulé dans le monde. A longueurs de journées, les médias relaient des informations où toute forme de violence semble taboue. Pourtant, les meurtres, les exactions, les prises de pouvoir violentes existent encore, mais les informations ne sont plus relayées aux Terriens. Cela est dû à l'existence dans l'atmosphère de la radiosphère, véritable écran invisible qui capte toutes les ondes, les modifie et les transmet une fois filtrées. Certes, un groupe de scientifiques, la Correspondence Society, a bien tenté de comprendre, de lutter et de rendre publique cette existence, mais, en 2007, de nombreux adhérents ont été assassinés.
"Une main invisible intervenait dans l'histoire de l'Humanité, apparemment bienveillante mais toujours indifférente, souvent cruelle, parfois meurtrière."

La radiosphère est en fait l’œuvre de l'Hypercolonie, une entité parasite composée d'un ensemble de minuscules cellules vivantes, qui, depuis des millénaires, colonisent les planètes occupées, et pour user de la métaphore entomologiste, pratique l'essaimage. Faire croire aux êtres humains qu'ils vivent dans un monde où le progrès social et technologique est quasi permanent depuis le début du vingtième siècle, sert à leurs propres fins de reproduction. Or, la Correspondence Society constituait un danger. Depuis, les survivants au massacre de 2007 craignent les simulacres.

Qui sont ces simulacres? Autrefois appelés Myrmidons par le chercheur Werner Beck en référence à un épisode des Métamorphoses d'Ovide dans lequel Zeus transforme des fourmis en êtres humains pour repeupler Egine, les simulacres, plus communément appelés Sims, ressemblent à s'y méprendre à des hommes ou des femmes, mis à part une structure interne composée d'un liquide vert gluant. Ce sont les gardiens de l'Hypercolonie, et garantissent son anonymat et sa survie.
Alors, lorsque Cassie voit un Sim se faire écraser en bas de chez elle, elle comprend qu'elle doit fuir au plus vite avec son petit frère Thomas, et tenter de rejoindre le groupe de survivants suivant une procédure commune.
Le roman se transforme donc en road movie vers le Désert d'Atacama au Chili, où se cache, paraît-il une usine de reproduction de l'Hypercolonie. Seulement, entre temps, d'autres sims, qui ont parasités le premier système, tentent d'obtenir l'aide de nos héros pour devenir dominants...

Les derniers jours du paradis est un roman de science-fiction honnête, qui surfe sur le thème du "nous ne sommes pas seuls" avec des extra-terrestres qui nous ressemblent. La trame narrative était complète et bien ficelée jusqu'à ce que l'auteur y ajoute une donnée supplémentaire qui complique considérablement l'intrigue. En ajoutant des parasites qui veulent coloniser et parasiter d'autres parasites, cela nous vaut quelques pages assez rocambolesques qui éparpillent l'histoire de départ. Heureusement, l'honneur est sauf, grâce à des personnages en relief, et une théorie selon laquelle nous sommes toujours les fourmis d'une autre civilisation; ainsi le roman  garde le cap.
Vivre avec "la réconfortante quasi certitude que le monde devenait jour après jour un peu plus riche et un peu plus juste" est une existence pour le moins rassurante. Alors, tout dénoncer et changer la donne, n'est-ce pas aussi la porte ouverte à l'inconnu et prendre une trop grande responsabilité?
Ce sont autant de questions que pose ce roman qui, sous couvert d'uchronie et de science-fiction, pose la question de la responsabilité des médias dans les comportements humains, et fait de l'Histoire un élément fondamental de ce que nous sommes.
"Mieux vaut connaître la vérité que se repaître d'illusions."

A découvrir.