lundi 2 juin 2014
Aurélien, Louis Aragon
Ed. Folio Gallimard, 636 pages, 11.7 euros
"La première fois qu'Aurélien vit Bérénice, il la trouva franchement laide."
La première phrase de ce roman fleuve n'augure pas les meilleurs auspices de la future histoire d'amour entre Aurélien, rentier noceur, dont le principal trait de caractère se résume à: "il n'achevait rien, ni une pensée, ni une aventure. Le monde était pour lui pleins de digressions qui le menaient sans cesse à la dérive", et Bérénice dont le cousin dit que "c'est un diable dans le bénitier", une femme timide en quête de l'absolu.
Au fur et à mesure de leurs rencontres dans le Paris mondain de 1923, Aurélien la trouvera de plus en plus jolie et tombera amoureux. Or, c'est un sentiment nouveau pour cet homme habitué aux passades d'un soir, trop soucieux de ne pas s'engager par goût de liberté. Mais, à la longue, il se rend compte que son siècle s'écrit en deux mots: "il y avait eu la guerre, il y avait Bérénice".
Autour d'eux, gravitent des personnages tous aussi intéressants de par leur complexité psychologique. Aragon fait évoluer des personnages très soucieux du paraître au point de parfois en devenir ridicules, mais parfois profonds et malheureux une fois que les rideaux mondains sont tombés. Le lecteur suit la déliquescence du couple Blanchette-Edmond, les amours de
Rose Melrose, actrice tragique en vue, les soirées mondaines de Mary Perseval et l'entrée en société de son jeune amant poète Paul Denis. Les gens se rencontrent dans les cafés, les ateliers de Picasso ou autres peintres plus obscurs, le jardin de Giverny chez Monet...Bref, c'est tout une ambiance qu'Aragon a su retranscrire, et son génie vient du fait qu'il a su raconter une très belle histoire d'amour entre deux êtres que tout sépare dans un contexte peu propice. Comme le résume Ambreuse, l'ami d'Aurélien: "les femmes avec lesquelles on couche, ce n'est pas grave. Le chiendent, ce sont celles avec lesquelles on ne couche pas." A
Ainsi, pour Bérénice, Aurélien est son absolu; Pour Aurélien, "Bérénice est son secret. La poésie de sa vie", c'est son chiendent.
Magnifique.