Ed. Folio Junior (Gallimard Jeunesse), trilogie de Richard Normandon
La mythologie antique en littérature jeunesse fait toujours recette pour deux raisons : elle propose un monde propice à l’imagination, et ses héros détiennent souvent des « super-pouvoirs », ce qui permet de rapprocher l’intrigue avec le genre fantastique.
La mythologie antique en littérature jeunesse fait toujours recette pour deux raisons : elle propose un monde propice à l’imagination, et ses héros détiennent souvent des « super-pouvoirs », ce qui permet de rapprocher l’intrigue avec le genre fantastique.
Plusieurs maisons d’édition ont publié,
ou publient encore des séries de ce genre : le livre de poche a fait
succès avec Percy Jackson, personnage un peu paumé parce que différent,
qui découvre un jour qu’il est le fils de Poséidon en personne ; la
collection Wiz de chez Albin Michel possède aussi sa série intitulée
« Héros de l’Olympe » déclinée en plusieurs tomes, reprenant le héros
cité plus haut. A chaque fois, fantastique et mythologie s’y confondent.
Enfin, il y a quelque temps, Nathan jeunesse a proposé une collection
très intéressante « Histoires noires de la mythologie », déclinant en
plusieurs ouvrages les grands mythes antiques. Ainsi, on y trouve des
titres tels Persée et le regard de pierre, ou le bouclier d’Hector.
Pourquoi un tel engouement pour ce
thème ? D’une part, depuis quelques années, les grands mythes
fondateurs sont au programme de sixième en français, et s’accompagnent
d’une étude en histoire de la mythologie grecque. D’autre part, les
dieux et autres demi-dieux sont « les grands frères » des super-héros
actuels.
Les éditions Gallimard Jeunesse ne sont
pas en reste. En collection Folio junior, on trouve une trilogie dont
l’intrigue exploite ces thèmes récurrents. Intitulée La conspiration des dieux,
et écrite par Gérard Normandon, son dernier tome est sorti en novembre
2012. Son auteur insiste davantage sur les luttes fratricides entre les
dieux dont les exactions ont des conséquences directes sur les humains.
D’ailleurs, l’ensemble est traité comme un vaste roman policier : tout
commence par le meurtre de La Pythie, prêtresse du dieu Phébus Apollon.
Le fils de ce dernier, Phaéton, né de ses amours avec une mortelle,
décide d’épauler son dieu de père dans son enquête. A cette occasion, il
va faire connaissance avec sa famille Olympienne, et se rendre compte,
au fil de ses aventures, que finalement les êtres divins ressemblent
beaucoup aux humains.
L’enquête n’est qu’un prétexte,
l’intérêt du roman est ailleurs. Il y a du rififi entre les Titans et
les Olympiens depuis que ces derniers, ayant remporté la première guerre
blanche, se sont partagé le monde : Zeus, le ciel, Poséidon la mer,
Hadès les Enfers. Tout pourrait bien se passer si Héra, sœur et épouse
de Zeus, ne conspirait pas avec les grands oubliés du partage pour
reconquérir le pouvoir :
« Héra avait tout sacrifié pour
nuire aux Olympiens qu’elle détestait : sa famille, ses amitiés,
l’affection qui l’unissait depuis toujours à sa filleule, tout cela
avait brûlé à jamais. Elle avait tué Phébus, plongé la terre dans les
ténèbres, fait de son mari Zeus un roi impotent et sénile ».
Certes, nous sommes en pleine fiction.
Nulle part, dans les récits antiques, il n’y est question d’une
quelconque guerre blanche. De plus Phaéton est davantage connu pour un
épisode désastreux de la mythologie dans lequel, voulant se mettre en
avant devant ses amis, il vole le char de son père et dérègle le cours
du Soleil. Néanmoins, l’auteur utilise les ressources mythologiques pour
construire son intrigue, même si certains personnages, Zeus notamment,
sont en totale contradiction avec l’image renvoyée par les mythes. Celui
qui pèse les âmes des guerriers tous les matins, dans l’Iliade, n’est
plus qu’un pantin désarticulé, ombre de lui-même, qui se fait voler ses
éclairs, incapable de régner sur l’Olympe et les hommes :
« Sur une haute table, la balance
dorée que Zeus utilisait jadis pour fixer le destin des peuples n’était
plus qu’un tas de ferraille complètement détraqué ».
Au fur et à mesure des tomes, on
comprend l’ampleur de la conspiration, mais surtout on se rend compte
que les dieux cèdent aux mêmes travers que les humains : luttes de
pouvoir entre Arès et Phébus pour succéder à Zeus, nombrilisme récurrent
symbolisé par le personnage d’Héra, bref l’hubris (orgueil et
démesure), tant relaté par les auteurs grecs anciens, atteint aussi les
dieux jusqu’au point de jouer avec leur vie (pourtant ne sont-ils pas
immortels ?). L’anthropomorphisme est de rigueur…
Et pendant que les dieux s’entretuent,
que font les humains ? Bizarrement, on ne sait pas. Seul le personnage
de Phaéton représente l’humanité. Quelques rares personnages
secondaires, tels les prêtres, puis les références aux offrandes et aux
temples, témoignent d’une étroite corrélation entre le divin et
l’humain, mais ils ne participent pas à l’intrigue. Comme toujours, ils
subissent les éclats de ceux qu’ils vénèrent : séismes destructeurs,
disparition du soleil, entraînant alors des conséquences directes sur
leur avenir.
La conspiration des dieux (Folio junior, 2009), Piège aux enfers (Folio junior 2011), et L’Olympe assiégé
(Folio junior 2012) offrent une réelle continuité de ton et d’intrigue.
Le style est simple, sans fioriture, parfaitement adapté à un enfant à
partir de 10 ans. Le récit est mené tambour battant par un duo
complice : Phaéton, le demi-dieu, plus humain que dieu dans son cœur, et
la déesse Iris, messagère d’Héra, descendante d’un lourd secret. Mine
de rien, au fil des tomes, l’auteur livre des anecdotes assez méconnues
de la mythologie telle la malédiction de Thaumas (le père d’Iris) ou le
fonctionnement des Enfers, avec une description complète (dans le tome
2)
Les séries mythologiques ont encore de
beaux jours devant elles, et tant qu’elles n’amènent pas certaines
aberrations et erreurs manifestes, elles restent un excellent moyen
d’attirer et fidéliser le jeune lecteur vers des lectures plus longues.
D’ailleurs, La conspiration des dieux appelle sûrement une suite à venir !