"[L'eau] nous anticipe, nous contient, nous survit. Et nous sommes ici, avec elle".
"Toute le onde est parent. C'est ça vieillir: la sénéscence catastrophique. C'est ça mourir. Tu deviens parent. Tu fais partie du flux".
Les chroniques littéraires de Virginie Neufville
"[L'eau] nous anticipe, nous contient, nous survit. Et nous sommes ici, avec elle".
"Toute le onde est parent. C'est ça vieillir: la sénéscence catastrophique. C'est ça mourir. Tu deviens parent. Tu fais partie du flux".
En promotion pour Un beau diable, film à petit budget dans lequel il incarne Satan, Florian n'aurait jamais cru que sa rencontre avec Fallen, homme étrange "au regard aigu sous de fortes arcades sourcilières", lui posant des questions pertinentes sur son interprétation, allait changer le cours de sa vie.
"Que serait la vie, sans surprises ? J'adore me livrer à d'innocentes plaisanteries. La vie est semblable à un feu de joie allumé en nous... Ce feu-là finit par s'éteindre si on ne l'attise pas, si on ne le tisonne pas sans cesse. Aussi tous les moyens de le ranimer sont-ils bons".
Satan est mort, renais, ô Lucifer céleste !
Remonte hors de l'ombre avec l'aurore au front"! (Victor Hugo)
"Quand j'y repense, il y a dix ans, je menais une existence vraiment solitaire à Kamakura. Ma relation de bon voisinage avec Madame Barbara était ma seule intéraction sociale digne de ce nom.
Et voilà qu'aujourd'hui je vis entourée de toute une famille.
Lorsque j'ai repris la papeterie Tsubaki, j'habitais seule dans cette vieille maison traditionnelle, mais la famille s'est agrandie d'un membre, puis d'un deuxième, et nous sommes désormais cinq à vivre sous le même toit. En y réfléchissant cela a été une décennie mouvementée, pleine de hauts et de bas".
Quand on ne comprend plus la raison de son existence, si on n'y prend pas garde, on finit par se retrouver enlisée jusqu'au cou dans un vaste bourbier sans fond, à se demander pourquoi on vit".
"Il n'y pas que les corps qui fusionnent. Les écritures aussi se touchent, jouent les unes avec les autres et s'entrelacent. Pendant plus de trente ans, j'avais vécu sans savoir qu'un tel monde existait".
Lettres d'amour de Kamakura est une leçon de vie sur la (re)conquête du bonheur quand on a l'impression d'être au point mort.
"Le bonheur réside peut-être dans cette boue où nous nous débattons quotidiennement".
Ou comment tirer du positif même dans les situations les plus tristes.
La bienveillance de l'autrice transpire à chaque page et fait de ce dernier opus - qui forme ainsi une trilogie avec les deux précédents - un livre de recettes sur le bonheur.
Ed. Picquier, janvier 2025, traduit du japonais par Sophie Bescond, 400 pages, 22.50€
Titre original :Tsubaki no Koibumi
"Ce jour-là, la police fouillerait les moindres recoins de son existence et découvrirait qu'il aimait les pirates parce qu'il était né borgne, et que sa mère lui avait donné très tôt le goût des sabres d'abordage et des cache-oeils, convaincue que la beauté de la fiction avait le pouvoir d'émousser une réalité trop brutale".
"Tous les hivers, les gens disent que Monta Clare est presque trop belle. Ca rend le crime encore plus grave, non ? Parce que c'est arrivé ici. J'ai l'impression qu'aucun d'entre nous ne s'attendait à ce que le monde extérieur s'introduise dans notre ville".
"Et je brûlerai tout sur mon passage jusqu'à ce que je la trouve. Je n'hésiterai pas. je ne me retournerai même pas pour regarder les cendres".
"Il existait donc, dans cet état altéré, cette zone intermédiaire entre la vie et la non-vie, entre l'avancée et la stagnation".
" Nous vivrons dans les extrêmes parce que le milieu, c'est le domaine des gens sains d'esprit".
"Il se demanda s'il n'avait pas commis une erreur en quittant l'armée. Un cardinal déboula sur un pommier sauvage dans un éclair rouge. L'armée ne lui manquait pas. Les bois où il avait grandi lui manquaient. C'était le seul endroit de sa vie où il s'était senti en sécurité".
Ce roman peut se lire indépendamment des précédents, mais pour en saisir toute la mesure y compris dans la psychologie des personnages, je vous conseille de les lire dans l'ordre.
"Comme un événement prédéterminé ou un effet boule de neige, quand on considère tous les éléments dans la durée".
"Au fond de moi, une pensée absurde s'insinuait : elle m'a suivi, comme mon ombre, c'est ma lune. Sans doute est-ce précisément la nature de la lune ; le soleil se lève au-dessus de la tête de tout le monde, sans distinction ; la lune, elle, sort des ténèbres de chacun. Oui, sans doute".
Alors elle devient le lieu de tous les fantasmes à l'image de sa géographie.
"Autrement dit, la face cachée de la lune ne raconte aucune histoire. Elle n'a pas d'âme. C'est un monde morne et désolé, avec des cloques comme une feuille de papier japonais fraîchement fabriqué, sur lequel sont tombées quelques gouttes d'eau".
A l'origine d'une pandémie mondiale, notre satellite interfère sur les sociétés humaines, obligeant le Japon à avoir un gouvernement dictatorial issu du Salut National tentant de palier l'urgence sanitaire. Un peu comme le mythe du Loup Garou, à chaque pleine lune, des femmes et des hommes - des Moonlings - se retrouvent "hors d'eux", dans l'impossibilité de gérer leurs pulsions les plus primaires accompagnées d'une force surhumaine, avant de sombrer dans une forme de catatonie.
"Aucune lune gorgée de sang plus jamais ne se lèverait sur notre pays".
"Dans ces moments-là, le temps s'accélère. Juste avant l'impact, le temps défile à la vitesse de la lumière.
Des taches d'amnésie comme de la peinture blanche se répandent dans le cerveau".
"Tandis que l'eau noire s'infiltrait dans l'espace où elle était contenue, aussi douillettement que n'importe quelle matrice".
Kelly attend les secours, persuadée qu'elle sera sauvée. Elle continue de croire que le sénateur fera tout pour elle, puisqu'il l'a choisie en cette journée d'été parmi une myriade d'autres jeunes femmes. Et malgré l'image qu'elle a peur de renvoyer à ses parents, elle était bien décidée à aller jusqu'au bout avec lui, même si pour cela, elle devait le laisser le conduire.
Dans ce court roman, Le sénateur n'est qu'un personnage périphérique, sûr de lui, sûr de son discours et de l'intérêt que lui voue les jeunes femmes. Parfois, il s'apparente à un prédateur sans scrupules auréolé de son influence politique. Seulement, très vite, Oates gratte le vernis des apparences et l'accident révèle au grand jour ce qu'il est vraiment : un égoïste et un lâche.
Reflets en aux troubles se lit d'une traite tant son intrigue est intense même si on en connaît le dénouement et l'épilogue. Il en dit long sur le déclin moral des élites et la naïveté des jeunes gens. Par delà le prisme de l'actualité, il devient un roman essentiel.
Ed. Actes Sud, collection Babel, traduit de l'anglais (USA) par Hélène Prouteau, mars 2001, 200 pages, 7.50€